Le commissariat de Paillant existe depuis 2008. Aujourd’hui, cet organe se trouve dans un état déplorable. La population est livrée à elle-même.
« Un policier n’a pas le droit de former des syndicats pour revendiquer ce qui lui est dû. Quand nous essayons de vider nos contentieux, nous risquons de perdre nos chèques, voire d’etre exclus du corps de police. » Ce sont les mots désespérés d’un policier agent I qui travaille au commissariat de Paillant depuis plus de sept mois. Être policier n’a pas toujours été une partie de plaisir pour lui, cependant c’est à Paillant que ses collègues et lui ont connu le drame de leur vie.
Comme tous les postes de police en Haïti, le commissariat de Paillant se trouve dans un bâtiment bleu et blanc. Vue de l’extérieur, la construction laisse présager qu’à l’intérieur tout va bien, loin s’en faut d’après les occupants. C’est un appartement de six pièces loué chez un particulier qui sert de commissariat à la commune de Paillant. À l’entrée, il y a sur un banc la radio écrasé qui saute aux yeux. C’est sûrement ce récepteur qui leur a servi pour écouter les matchs de la coupe du monde. « Voyez pour le mondial, on n’a même pas eu un téléviseur ici, » c’est ce qu’a laissé entendre l’un des policiers sous-entendant qu’ils n’ont reçu aucun des téléviseurs distribués par les parlementaires et l’exécutif. Ils sont six aux commissariats, 5 agents et un administrateur. Ce dernier serait le grand Manitou si l’on croit les agents de police. S’ajoute à cet effectif, un gardien et un messager.
Les conditions de travail précaires
Les policiers s’indignent que leurs conditions de travail soient aussi lugubres. « Nous ne percevons pas nos salaires à temps», explique l’un d’entre eux. Ils reçoivent 19 000 gourdes par mois, selon eux cette somme est une pitance considérant leurs responsabilités. Ajouter à cela, ils doivent se charger eux-mêmes de tous leurs besoins au commissariat. « On ne nous garantit même pas des articles de toilettes », a rétorqué un autre agent. Les rapports de force avec Hercule Sinéus, le responsable paraissent très tendus. « Il est toujours absent, quand il vient ici, il fait ce qu’il veut. Une fois un détenu s’est évadé de nuit, le responsable ne s’est présenté que le lendemain vers midi alors qu’il a été prévenu à temps, » ajoute ce même agent. Si l’on croit les policiers, l’évadé était une personne redoutée par la population, c’est d’ailleurs la foule elle-même qui l’a conduit au commissariat.
Les barrières des cellules de garde-à-vue pourries par les eaux de pluie sont à l’origine de cette détérioration. Le toit étant très mince, l’eau de pluie trouve naturellement refuge sur les barrières. La garde-à-vue occupe deux pièces situées à l’arrière du bâtiment. Il y a, non loin d’elles, tout prêt des toilettes, un grand espace vide. Le cyclone Matthew aurait renversé une partie de la clôture du bâtiment, depuis aucune réparation n’a été faite.
Une motocyclette en mauvais état est le seul moyen de transport des agents de police, « Il y a trois mois on l’a réparée, mais la roue arrière a de légers problèmes, » précise l’un des agents.
Il y a aussi l’environnement malsain qui saute aux yeux, mais surtout dérange les narines. Les détenus utilisent les latrines délabrées de l’arrière-cour, les policiers ont une salle de bain munie d’un W.C. mais avec une situation sanitaire presque similaire aux latrines des prisonniers.
Un petit personnel sans repère
« Je suis ici depuis mai 2008. Une galile 12 m’a été donné pour me défendre, pourtant on ne m’a jamais payé,» C’est le gardien du commissariat. Il a 46 ans. C’est lui qui gère tous les matériels du bureau, il dort aussi avec les policiers. Pourtant, il n’a aucun statut au commissariat. « J’ai même pas une lettre, ce sont les policiers qui veulent bien nous faire don d’une modique somme prélever du salaire qu’ ils reçoivent. Ma femme m’a quitté à cause de ces conditions-là, » raconte-t-il avec peine. C’est la même situation pour le messager, un jeune homme d’une vingtaine d’années, « Quelque soit l’endroit où les chefs veulent que j’aille faire une commission, je suis toujours partant. »
Le petit personnel ne sait à quel saint se vouer, mais les deux hommes restent au travail parce qu’ils espèrent un jour signer ne serait-ce qu’un contrat à durée déterminée. « Si nous mourrons aujourd’hui, c’est notre famille qui s’assurera de notre sépulture. L’État haïtien ne nous reconnait pas en tant qu’employé, » déplore le gardien.
Méfiance de certains membres de la population
Certaines personnes de la population semblent ne pas trop prendre au sérieux le commissariat de Paillant. Deux hommes ont témoigné leur insouciance, « Si nous avons un problème dans la communauté, nous le gérons à l’amiable », a mentionné l’un d’eux. Ils pensent que l’effectif des policiers ne peut pas répondre à l’ensemble des besoins de la population en matière de sécurité (6 policiers pour environ 20 000 habitants selon les statistiques). « Dans de telles circonstances, la justice restauratrice est la seule forme de justice qui puisse régner à Paillant », a conclu un autre habitant de paillant qui avoue oublier parfois la présence de la Police de sa localité
Laura Louis
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La commune de Paillant: Paillant se situe au Sud du pays, dans le département des Nippes. Elle est devenue commune sous la présidence de Jean-Bertrand Aristide par la loi du 1er avril 2002 qui l’a séparée de la commune de Miragoȃne. Six ans plus tard, soit en mai 2008, la ville a été dotée d’un commissariat. Paillant est réputé pour son rara qui fait venir durant les périodes pascales des haïtiens de partout et même des étrangers dans le département des Nippes.
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