Pour parler d’État de droit, il faut se référer à un système institutionnel dans lequel la puissance publique (l’État) est soumise au droit. Opposé de l’État de police qui est fondé sur l’utilisation arbitraire du pouvoir, l’État de droit se veut un gouvernement de lois et non des hommes. Il est lié au respect scrupuleux de la loi, de la hiérarchie des normes, de la séparation des pouvoirs notamment l’indépendance de la justice, et des droits fondamentaux. En Haïti, malgré les différents efforts qui ont été déployés, force est de constater que l’établissement effectif de l’État de droit reste et demeure un défi. Mais que faire ? Où sont les hommes et les femmes de lois ? Où sont les avocats ? Ces derniers qui sont les défenseurs du respect des règles de droit en vigueur dans la société, comment peuvent-ils contribuer au renforcement de l’État de droit en Haïti ? Nous croyons que le renforcement de l’État de droit en Haïti doit inévitablement bénéficier de la contribution des avocats qui constituent à la fois le véhicule de l’évolution du droit à travers le temps et l’espace dans la société et les défenseurs des règles de droit en vigueur. Ensemble, nous allons voir les différentes contributions que ces derniers peuvent apporter en vue de consolider les efforts déjà consentis pour l’établissement de l’État de droit en Haïti.
À travers le monde, les avocats ont joué un rôle majeur dans l’émergence puis la consolidation des États de droit. Nous pouvons prendre comme exemple, l’Habeas corpus au Royaume-Uni, la Constitution instituant la séparation des pouvoirs aux États-Unis et l’affirmation de la souveraineté nationale et des droits fondamentaux en France. Étant des artisans de la plume et des mots, les avocats possèdent à la fois l’art et l’arme nécessaires pour contribuer au renforcement de l’État de droit dans le pays.
Après la chute du régime dictatorial de Jean Claude DUVALIER en 1986, avec la Constitution de 1987, Haïti a voulu se doter d’un instrument pouvant garantir le respect des droits fondamentaux indispensables pour que l’haïtien puisse avoir une vie de bonheur. « Le peuple proclame la présente constitution : Pour garantir ses droits inaliénables et imprescriptibles à la vie, à la liberté et à la poursuite du bonheur […], pour constituer une nation haïtienne socialement juste […], pour implanter la démocratie […], pour fortifier l’unité nationale, en éliminant toutes discriminations entre les populations des villes et des campagnes, par l’acceptation de la communauté de langues et de culture, et par la reconnaissance du droit au progrès, à l’information, à l’éducation, à la santé, au travail, et au loisir pour tous les citoyens, pour assurer la séparation et la répartition harmonieuse des pouvoirs […], pour instaurer un régime gouvernemental basé sur les libertés fondamentales et le respect des droits humains [..] ». Aujourd’hui en 2016, où sommes-nous par rapport à ces idéaux ?
Au jour le jour on entend parler de la violation de la Constitution et du non-respect des différentes normes en vigueur dans le pays. Le droit à la vie et à la santé, la liberté individuelle, la liberté d’expression, le droit à l’éducation, le droit à la justice, à la sécurité, le droit au travail ne sont pas garantis ; un système judiciaire non indépendant, des institutions faibles sont incapables de jouer le rôle qui leur est dévolu ; des abus de pouvoir ne cessent de se répéter, l’argent des contribuables n’est pas bien géré ; les conditions de détention des prisonniers sont alarmantes et sans égard pour la dignité humaine.. Ces éléments constituent entre autres des points qui montrent que nous sommes très loin d’un véritable État de droit et la liste n’est même pas exhaustive.
Par conséquent, les avocats doivent jouer un rôle important dans le renforcement de l’État de droit en Haïti. Ils doivent s’ériger en : de véritables protecteurs des normes en vigueur dans le pays notamment la Constitution et des défenseurs pour le respect des droits fondamentaux et des libertés individuelles de la population. Ils doivent participer à l’éducation juridique de la population par tous les moyens (émission dans les radios et télévisions, séminaires de formation sur les droits de l’homme dans les écoles, les églises et groupes organisés) et à l’amélioration du mode de fonctionnement du système judiciaire et pénitentiaire. Ils doivent dénoncer les abus de pouvoir des autorités face au non-respect des lois. Ils doivent faire un plaidoyer pour une bonne administration de l’État, dénoncer toutes formes d’injustices à l’encontre des administrés et encourager les organisations de droits humains et les institutions étatiques placées pour protéger les citoyens à faire leur travail convenablement. Si les avocats décident de s’engager dans cette voie, ils pourront apporter une pierre à cet édifice si important pour le progrès sociopolitique et le développement économique.
James NONÇANT
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