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4/20 et la marijuana dans le contexte haitien

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4/20 (Four-Twenty), donc le 20 avril est le jour que les fumeurs de marijuana ont adopté pour célébrer cette plante pour laquelle ils affichent une affection particulière. En Haïti, la date n’a pas encore de valeur commerciale et l’on n’ entend presque jamais parler de fêtes sur le thème du 4/20. Toutefois, sur les réseaux sociaux, facebook, twitter, instagram, les fumeurs comme les non-fumeurs commencent à souhaiter « un joyeux 4/20 à tous ». Il se trouve que je porte des « dreadlocks » et qu’apparemment il est imprégné dans l’inconscient social que « dreadlocks » = fumeur de marijuana, j’ai donc reçu plusieurs messages de belle célébration et des invitations à des fêtes ou réunions privées autour du thème. Néanmoins, je ne suis pas un fumeur… Oui, malgré mes dreadlocks ! Si vous me demandez est-ce que vous devriez fumer un joint, je vous dirai non tout comme je l’aurais fait pour la cigarette, par exemple. Cependant, malgré ma position contre la consommation de la marijuana pour  des questions de santé, je suis paradoxalement un farouche supporteur de sa légalisation.

Que sait-on de la marijuana ?

La marijuana est une drogue douce consommée pour ses effets psychotropes. Elle est issue de la famille des Cannabis sativa (dont le Cannabis indica, originaire du sous-continent indien). Certaines parties de la plante, où se concentre le Tetra-Hydro-Cannabinol (THC), peuvent être consommées, soit ingérées, soit inhalées, pour leurs propriétés psychotropes. La marijuana correspond aux fleurs de la plante et renferme entre 0,1 et 25% de THC. La grande majorité des consommateurs l’utilise à des fins récréatives pour ses propriétés relaxantes et euphorisantes.

Mais cette même plante a aussi plusieurs vertus médicinales. Elle est utilisée comme analgésique, antiémétique, antispasmodique. Elle a des propriétés neuro-protectrices, anti-inflammatoires et est utilisé contre certaines maladies psychiatriques. Aux USA par exemple elle est plus souvent utilisée contre le glaucome, les effets secondaires des chimiothérapies, les douleurs chroniques résistant aux traitements classiques.

Cette plante si controversée garde donc des propriétés médicinales importantes qui ne devraient en aucun cas être sous-estimées, surtout qu’elle est de loin moins corrosive que l’alcool et le tabac, par exemple.  Elle est 114 fois moins mortelle que l’alcool selon une étude menée par un groupe de chercheurs en toxicomanie publiée dans le journal universitaire « Scientific Reports ». La Marijuana tue longtemps moins que la totalité des  drogues dites « douces ».

Donc qu’y a-t-il de mal avec la marijuana ?

En Nouvelle-Zélande une étude a été conduite sur les effets de la marijuana durant 38 années sur une cohorte de 1 037 enfants nés en 1972–73 à leurs 5, 7, 9, 11, 13, 15, 18, 21, 26, 32 et 38 ans! Les scientifiques néo-zélandais, aidés de chercheurs de l’Université de Duke (États-Unis) et du King’s College de Londres, ont confirmé une grande vulnérabilité du cerveau des jeunes à la neuro-toxicité du cannabis. L’étude a démontré qu’à 38 ans ceux qui ont consommé de la marijuana durant leur jeune adolescence présentent un quotient intellectuel (QI) substantiellement plus faible que la moyenne. Un fumeur qui a commencé à fumer de la marijuana dès ses 13 ans perd en moyenne 8 points sur son QI et perd énormément sur sa capacité à mémoriser. Mais ces effets néfastes ne se retrouvent pas chez ceux qui ont commencé à la consommer à l’âge adulte. Le cerveau connaît d’énormes changements et est très vulnérable à l’adolescence. La marijuana peut donc altérer et perturber le processus de maturation cérébrale naturel chez un adolescent.

La consommation de marijuana malgré toutes ses vertus peut être dangereuse, tout comme l’alcool, la cigarette et le sucre (en grande quantité) peuvent nuire au corps humain.

En plus de la lourde charge sociale négative imposée à  la marijuana, vient aussi l’une des réalités pénales les plus discriminatoires que connait le monde actuellement. Aux USA, par exemple, de 201 à 2010 plus de 8 millions de personnes ont été arrêtées pour des raisons liées à la marijuana.  88% de ces cas sont dûs à une simple possession. Mais ce qui est le plus grave dans ces statistiques, c’est qu’un Noir a quatre fois plus de chances d’être arrêté pour possession alors que toutes les données prouvent que les communautés blanches consomment la marijuana autant que les communautés noires. Donc la décriminalisation de la marijuana est nécessaire pour combattre cette nouvelle forme de ségrégation qui détruit les communautés noires.

Le 20  avril passé le groupe éditorial du New York Times a officiellement appuyé une légalisation ou décriminalisation de la marijuana. Barack Obama a aussi évoqué le problème discriminatoire qui se cache derrière la pénalisation de la marijuana. 33 États aux USA acceptent déjà la marijuana pour utilisation médicale.  Et 4 États (Colorado, Oregon, Washington, Alaska) ont légalisé la consommation récréative. Au Colorado, la légalisation a été un succès. L’État a renfloué ses caisses grâce à la taxe sur la marijuana. Il y a ainsi un meilleur contrôle sur les fournisseurs qui doivent maintenant vérifier l’âge des acheteurs.

À cause de cette vague de légalisation aux USA et à travers le monde, les pays de la Caraïbe et de l’Amérique Centrale se préparent pour une augmentation potentielle de la demande de marijuana. Le 27 avril dernier, la Jamaïque a mis en terre symboliquement leur premier plan légal de marijuana, premier pas vers la création d’une industrie vouée à l’exportation.

En évitant tous les stigmates sociaux associés à la marijuana, Haiti (gouvernement et société) doit réfléchir de manière pragmatique par rapport à la question. Est-ce que comme la Jamaïque nous devons commencer à nous préparer pour cette demande légale qui va arriver? Pour ce, nous devrons d’abord avoir un Parlement fonctionnel pour débattre de l’éventuelle légalisation de la marijuana. Au cas où vous sous-estimeriez ce marché qui est en train de s’établir dans le monde, l’Etat du Colorado, à lui seul, a consommé pour 700 millions de dollars de marijuana en 2014 alors que durant cette même année Haïti n’a exporté que pour une totalité 800 millions de dollars. Si socialement Haiti n’est pas prête pour une légalisation, économiquement nous ne pouvons pas ignorer cette opportunité ou du moins ne meme pas en discuter.

Directeur Général | Co-fondateur | J'aime me considérer rationnel et mesuré avec une vision semi-ouverte du monde. J'ai un baccalauréat en finance. Je m'intéresse au Barça, à la politique, à l'entrepreneuriat et à la philosophie.

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