Il y a environ une cinquantaine de pays que les Haïtiens peuvent visiter sans visa. Mais depuis quelques temps, nous remarquons que certains pays font une promotion ouverte pour l’accueil des haitiens et bien sûr, nous ne nous faisons pas prier pour nous y rendre même sans savoir ce qui peut nous attendre une fois là-bas. Les intentions de ces pays sont elles aussi bonnes qu’elles y paraissent ?
Beaucoup d’haïtiens veulent quitter le pays, ceci n’est un secret pour personne. Il n’y a qu’à voir les files d’attente devant les consulats canadiens, américains ou autres. Et ceux qui veulent s’expatrier avancent des raisons plutôt valables: l’état du pays, la mauvaise gestion des ressources, l’irrespect de la vie humaine, le taux élevé de chômage, la corruption, etc. Mais est-ce que ce sont des raisons suffisantes pour se jeter sur le premier pays vous ouvrant les bras?
Avant, c’était le Brésil (offrant des facilités pour l’obtention de son visa) qui nous faisait baver d’envie. Dans une interview accordée à un quotidien du pays en octobre 2015, l’ambassadeur du Brésil s’improvisait en agent publicitaire pour son pays. « Vous n’avez pas besoin d’avoir un métier ni nous garantir que vous allez en avoir un, c’est dans notre politique d’accueillir ceux qui veulent vivre chez nous », avait déclaré l’ambassadeur Fernando Vidal, qui présentait le Brésil comme une terre d’accueil. Le diplomate avait confié que la main-d’œuvre haïtienne a la cote dans son pays. Au Brésil, il y aurait même des entreprises spécialisées dans l’embauchage des travailleurs haïtiens selon l’ambassadeur : « Les entreprises aiment embaucher les Haïtiens. Les Haïtiens ont au Brésil la réputation d’aimer travailler, de bien faire leur boulot, d’être ponctuels et réguliers ».
Même les structures étatiques brésiliennes s’adaptent pour accueillir les Haïtiens. Haïti bénéficierait depuis plusieurs années d’une décision spéciale du Conseil national de l’immigration du Brésil. « Quel que soit le citoyen haïtien qui se présente au Brésil, il reçoit automatiquement le statut d’immigrant permanent à caractère humanitaire », avait déclaré M. Fernando Vidal.
Puis ce fut au tour du Chili et maintenant (bientôt) le Taïwan. Et même si nous avons des témoignages de quelques-uns vivant là-bas qui disent que tout va bien, qu’en est-il des autres, de ceux qui souffrent en silence ? Ils sont environ 60,000 selon les dernières estimations à se trouver au Chili, presque la même quantité au Brésil. Que savons-nous des autres ? Avons-nous de leurs nouvelles ? L’Etat a-t-il mené une enquête pour savoir comment se porte ses filles et fils en terre étrangère ?
Et ces pays, sur fond d’amitié ou de support, qui nous invitent dans leur pays, nous promettant monts et merveilles, connaissons-nous seulement leur véritables intentions ? Le Brésil et le Chili ont loué notre capacité à travailler, ou même à bien travailler. Et si à leurs yeux, nous ne représentions pas plus qu’une main-d’œuvre à bon marché ? Cette image me rappelle cruellement celle des nègres qu’on faisait venir d’Afrique pour travailler. Bien sûr, à présent, ils nous paient. Mais l’image reste la même, ils nous invitent chez eux, nous promettent la richesse, sachant notre aversion pour notre propre pays, puis à notre arrivée, on nous offre du travail le plus souvent assez faiblement rémunéré. Mais nous qui ne travaillions même pas dans notre pays, connaissons-nous seulement nos droits par rapport au code du travail ? Ils nous offrent certainement mieux que ce que nous avions en Haïti, mais qu’est-ce qu’ils gagnent grâce à nos sueurs ?
Connaissons-nous le pourcentage de nos 60,000 concitoyens bénéficiant véritablement de tous ces avantages?
Aujourd’hui c’est le Taiwan. C’est une bonne chose que des pays nous appellent pour nous offrir du boulot, ce que notre propre gouvernement est incapable de faire. Cependant, il serait prudent de mieux s’informer avant de se bousculer devant ces consulats. Il serait prudent de prendre un peu de recul avant de s’embarquer.
Mieux vaut aller mal chez soi que chez le voisin !
Saonha Lyrvole Jean Baptiste
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