«Je résiste à l’idée d’héberger des inconnus qui pourraient être des personnes en lien avec des bandits», déclare un propriétaire à Port-au-Prince
Par crainte de loger des membres ou des individus proches des gangs, des propriétaires immobiliers refusent de louer leurs maisons, selon des témoignages recueillis par AyiboPost.
Hilaire Thomas, propriétaire au centre-ville de Port-au-Prince, fait partie des récalcitrants. Malgré une demande en hausse depuis trois mois, l’homme dit préférer laisser vide son appartement qui peut loger jusqu’à trois locataires.
«Je ne veux pas héberger des inconnus qui pourraient être des personnes en lien avec des bandits», déclare Hilaire Thomas qui soutient vouloir protéger sa famille ainsi que son quartier en tant que notable de la zone.
Les courtiers jouent la prudence également. Certains définissent des critères, parfois discriminatoires, pour programmer les visites.
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Gérald Zenor un courtier basé à la rue Alerte à proximité du cimetière de Port-au-Prince met sur sa liste rouge quiconque affiche des tatouages, des piercings ou des dreads. «Les propriétaires ne veulent pas ce type de personnes parce qu’ils peuvent ne pas être de bons citoyens», soutient le professionnel.
Dans un environnement fait d’insécurité croissant, où les bandits ont forcé le déplacement de 135 000 personnes à la fin du mois de mars selon l’Organisation internationale de la migration (OIM), la méfiance des propriétaires de maisons fait croître la pression sur les appartements disponibles et accèlere la promiscuité ambiante.
Les courtiers jouent la prudence également. Certains définissent des critères, parfois discriminatoires, pour programmer les visites.
Le sociologue Mardochée Gédéon mène ses recherches sur la violence armée dans les bidonvilles. Il observe comment les clichés sociaux font élargir la définition donnée au banditisme, pour y inclure les comportements considérés comme déviants dans la société.
«Les discriminations ne sont pas forcément liées au comportement ou encore au style des individus, mais plutôt au statut social et économique de la personne qui se présente», analyse l’universitaire.
D’après des recherches réalisées sur la violence armée en Haïti, les personnes qui se rallient aux gangs armés disposent généralement de moyens économiques très faibles.
«[Ces personnes] subissent une violence structurelle qui conditionne leur situation de précarité», dit Mardochée Gédéon.
Les personnes qui se rallient aux gangs armés disposent généralement de moyens économiques très faibles.
Daryl Mozart Jules peut témoigner des discriminations. Le mécanicien dread, déclare avoir été victime de propos désobligeants proférés par des propriétaires et des courtiers il y a environ un mois, lorsqu’il était à la recherche d’un nouveau logement dans la zone de Nazon.
«Un propriétaire m’a refusé à cause de mes cheveux disant qu’il ne voulait pas mettre une cible sur sa maison», témoigne Daryl Mozart Jules à AyiboPost.
Certains propriétaires vantent les mérites de ces mesures dites de sureté.
Juslène Janvier possède une maison à Canapé-Vert. La dame raconte comment un jeune homme et une jeune femme se sont enfuis après avoir été invités à se rendre avec elle à la Direction centrale de la Police judiciaire (DCPJ) avant de signer un contrat de location.
«Ils disaient avoir besoin d’un logement en toute urgence, témoigne Janvier. Je leur ai demandé un prix un peu exagéré, mais ils voulaient quand même payer sur place pour ensuite habiter la maison le lendemain.»
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Le couple n’est jamais revenu depuis l’incident. Raison pour laquelle Juslène Janvier pense qu’ils n’étaient «pas de bons citoyens».
D’autres propriétaires comme Renel Norelus de Carrefour Feuilles ne louent qu’à des gens de leurs quartiers. Cette stratégie crée un manque à gagner pour les courtiers. Nicodème Dejean qui exerce ce métier à Port-au-Prince depuis huit ans pense observer bientôt une pause à cause de l’accalmie, mais aussi afin d’éviter une éventuelle implication dans une affaire ayant un lien avec des bandits.
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