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Opinion | Le génie de Jovenel Moïse

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Des policiers protestataires se sont affrontés avec des soldats de l’armée au Champ-de-Mars aujourd’hui 23 février 2020. Il ne s’agit pas que d’un évènement grave, mais le signe évident de l’effondrement de quelque chose. Deux institutions étatiques, deux corps inscrits dans la constitution, échangent des tirs à l’arme lourde alors que la population, prise en sandwich, est sommée de choisir la balle qui finira dans ses entrailles : celle des autorités établies ou celle des bandits !

Il s’agit-là d’une preuve supplémentaire du génie du président de la République, Jovenel Moïse. Ce génie était à l’œuvre quand, l’année dernière, les policiers, son dernier bouclier face à la colère populaire, ont commencé à exiger de meilleures conditions de travail. Dans un premier temps, leur approche fut consensuelle. Puisqu’ils ont été ignorés, ils organisèrent alors plusieurs manifestations, exigeant entre autres la création d’un syndicat dont la mission serait de défendre leurs intérêts.

Dans sa science infinie, l’administration en place n’a pas seulement choisi d’ignorer la légitimité des revendications présentées. Elle est entrée dans un bras de fer avec les membres de la PNH, une institution exténuée qui tient difficilement tête aux assauts répétés des bandits. Ils ont menacé les policiers, révoqué cinq de ceux qui ont osé élever la voix au nom des 15 000 autres qui, même réduits au silence par peur de perdre leur poste, partagent totalement les récriminations portées au-devant de la scène.

Le 19 février dernier, quelques jours avant le carnaval « annoncé », des membres de la PNH étaient dans les rues de la zone métropolitaine. Armés, ils ont bloqué plusieurs artères de la capitale. Leur message était clair : vous entendrez nos revendications ou la festivité populaire n’aura pas lieu. Dans la foulée, des stands ont pris feu au Champ-de-Mars et des chars furent calcinés. Le pouvoir fait semblant d’entendre, annonce sa volonté de faire suite à certaines revendications, mais maintient l’organisation de son carnaval.

Dans un pays qui traverse une profonde crise sociale et politique depuis environ 20 mois. Dans un pays où une bonne partie de la population sort dès que possible dans les rues pour exiger de vivre dans la dignité. Dans un pays où la corruption endémique a occasionné la captation criminelle des milliards de dollars du fonds Petrocaribe, ce qui constitue la base de manifestations aléatoires depuis près de deux ans. Dans un pays où près de cinq millions de personnes se trouvent en situation d’urgence humanitaire alors que les kidnappeurs, sous le nez des autorités, appréhendent pauvres comme riches, jeunes et vieux, rançonnent, violent et tuent.

Dans ce pays où les gangs contrôlent des pans entiers de territoire. Où tout déplacement constitue un voyage risqué. Où, dans la capitale, les citoyens se terrent, de peur de se faire tuer. Dans ce pays sans parlement ni gouvernement régulièrement constitué, la priorité de Jovenel Moïse, génie du PHTK, consiste à dépenser des millions pour organiser des festivités carnavalesques alors qu’une bonne partie du secteur privé crie son désespoir face à l’instabilité, l’insécurité et la baisse drastique du pouvoir d’achat de la population.

C’est cette sorte de génie qui a mené Jovenel Moïse, personnellement impliqué dans la dilapidation des fonds Petrocaribe, à ignorer la contestation populaire, à garder dans son administration des gens impliqués dans le massacre d’innocents et à affirmer que l’opposition à son gouvernement serait uniquement l’œuvre de forces obscures du secteur privé. Fort du silence complice de la communauté internationale, le dauphin de l’excentrique Michel Martelly promet beaucoup, réalise peu, ou rien. C’est un président qui ment à l’envi, croit en ses mensonges et rejette la faute sur autrui quand la réalité ne se plie pas magiquement à ses désirs.

Entre temps, le pays plonge dans le chaos et le dernier affrontement « inutile » entre policiers et militaires au Champ-de-Mars présage une guerre rangée, dont les bandits seuls en sortiront vainqueurs. Tout compte fait, le génie de Jovenel Moïse ne résout pas les problèmes, il les crée. Il n’améliore pas les vies, ne stimule pas l’économie ni ne crée de jobs. Il s’agit d’un génie de petite intelligence à l’ego surdimensionné. Tout est dans la force et sa démonstration. Rien ni personne dans cette administration n’investit du temps pour éteindre l’embrasement de la misère et de l’insécurité. Le génie de Jovenel Moïse est en train de détruire ce pays !

Widlore Mérancourt est éditeur en chef d’AyiboPost et contributeur régulier au Washington Post. Il détient une maîtrise en Management des médias de l’Université de Lille et une licence en sciences juridiques. Il a été Content Manager de LoopHaïti.

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