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Nettoyer sa liste d’amis Facebook est une erreur ! Voilà pourquoi.

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Il est des publications qui vous partagent entre révolte et pitié. Entre l’envie de mener une fatwa contre la bêtise et le désarmement face à ce qui semble être l’ADN d’un système. Entre l’effarement et le dégoût, l’aigreur et le désespoir. La plupart des « posts » sur les réseaux sociaux sont des attestations de stupidité, des déclarations d’amour à l’ineptie ou des arrangements intéressés avec la réalité pour mieux duper, choquer ou exploiter les internautes.

Or en la matière, les utilisateurs avisés du web, qui lisent plus qu’ils ne zappent, qui réfléchissent plus qu’ils ne « likent », qui vérifient plus qu’ils ne se noient dans la spirale de l’émotion sont des perles précieusement rares.

Précieuses parce que sans tambour, ils contribuent à donner quelques intérêts à l’utilisation des réseaux sociaux. Rares parce qu’ils font figure de bouée de sauvetage sur une « toile » haïtienne à la dérive et dont les protagonistes les plus influents excellent, peut-être plus qu’ailleurs, dans la superficialité, la désinformation et le fanatisme.

Dans mon fil d’actualité Facebook ou Twitter, ils se bousculent ces nouveaux penseurs des temps modernes. Leurs publications croulent sous les réactions. Ces « fast-thinkers », pour parler comme Bourdieu informent, déforment et réforment. Ils proposent, dénoncent, distribuent bons et mauvais points, s’éructent, s’insurgent, dans un tourbillon insupportable de préjugés, d’idées grandiloquentes, expéditives et insensées aussi décousues que préconçues.

Légendairement discret, certains se distinguent dans cette sorte de profession qui consiste à étaler son intimité dans les moindres détails. En estimant nécessaire et vital que le monde entier soit au courant de leurs petits désagréments gastriques ou s’émeuve de la photo de leur arrière-grand-père haletant sur un lit d’hôpital plus proche de l’au-delà que d’ici, mais néanmoins enthousiaste (on se l’imagine) à l’idée de recueillir quelques misérables « likes » sur Facebook.

Pourtant, malgré la bêtise assommante de certains « posts » viraux, constamment je me retiens de faire le ménage et d’aseptiser ma liste d’amis. Le désir de contradiction et ma foi insensée dans le triomphe de la raison sur les ténèbres de « l’ignorance suffisante » entraînent le citoyen enfoui quelque part en moi sur les pentes dangereuses de la dépression.

Pour charmer l’inconvénient et rendre l’aventure un tant soit peu soutenable, je suis arrivé à me convaincre que ces testaments numériques, loin d’être des héritages encombrants sont autant d’occasions pour moi de penser contre moi-même, de me remettre en question et de bousculer mes certitudes.

Mais plus encore, chaque croyant compulsif transformé en citoyen réfléchi ; chaque fanatique invétéré, pourfendeur des évidences et contestataire des faits qui complète sa mutation en défenseur ardent de la devise des Lumières : Sapere Aude, aie le courage de te servir de ton propre entendement, c’est le monstre intraitable qu’est la bêtise, ennemi de la pensée libre et ses tentacules effrayants qui concèdent une défaite. C’est le citoyen, informé sur les enjeux de son temps, capable de synthèse et d’expression de son désaccord dans les limites de la dialectique qui s’en vient porter la démocratie chancelante sur ses épaules.

Car, faudrait-il le rappeler ?

Sur Twitter ou Facebook, le sacerdoce du progressiste n’a jamais été d’avoir raison, mais d’amener son interlocuteur à se servir de la sienne.

Widlore Mérancourt est éditeur en chef d’AyiboPost et contributeur régulier au Washington Post. Il détient une maîtrise en Management des médias de l’Université de Lille et une licence en sciences juridiques. Il a été Content Manager de LoopHaïti.

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