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Les mariages en chute libre en Haïti. Voici les chiffres.

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«Certaines personnes pensent que si elles se marient, cela les empêchera de trouver un sponsor pour pouvoir se rendre aux États-Unis»

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Les statistiques sur les mariages collectées exclusivement par AyiboPost pour quatre villes de l’Ouest sur ces cinq dernières années indiquent deux faits : convoler en noces légales reste une activité assez marginale par rapport au nombre d’habitants, et les chiffres, malgré des baisses légères dues à l’insécurité, le Covid et les migrations, demeurent assez stables pour Port-au-Prince, Pétion-Ville, Tabarre et Delmas.

En 2019, 6 882 couples se sont légalement mariés à Port-au-Prince, la capitale d’Haïti et la ville la plus peuplée du pays, comptant près de trois millions d’habitants. 2020 observera une baisse de 22 %, avec 5350. Une baisse temporaire puisque 6146 mariages sont enregistrés en 2021.

Données recueillies exclusivement par AyiboPost des Archives Nationales d’Haïti sur le nombre de mariage dans la commune de Port-au-Prince entre 2019 à 2021.

En réalité, la grande majorité des couples du pays se retrouvent en union libre.

Et aujourd’hui, d’autres obstacles se dressent sur le chemin de celles et ceux qui envisagent de se dire oui devant l’État.

La plupart des mariés viennent normalement de l’étranger, selon l’officier d’État civil à Port-au-Prince Marcel Pardo. Mais « les gens ont eu peur de rentrer dans le pays », encore plus depuis l’assassinat de Jovenel Moïse, explique-t-il.

Le programme Humanitarian Parole mis en place par les États-Unis et permettant d’accueillir des migrants haïtiens – 126 000 depuis janvier 2023 – vient aussi faire chuter les statistiques de mariages, selon le chef de service de l’état civil de la section sud de Port-au-Prince, Anne Shamir Pierre Fildor.

D’après cette dernière, « certaines personnes pensent que si elles se marient, cela va les empêcher de trouver un sponsor pour pouvoir se rendre aux États-Unis. »

En réalité, la grande majorité des couples du pays se retrouvent en union libre.

Il demeure difficile de trouver des statistiques nationales pour les mariages dans le pays. Contactées par AyiboPost, les Archives nationales d’Haïti ne peuvent présenter aucun bilan compilé.

Selon le directeur général de l’institution, Jean Wilfrid Bertrand, les registres n’arrivent « pas toujours à temps aux Archives nationales d’Haïti, le système d’état civil est sens dessus dessous. »

Pour illustrer ce problème, le responsable révèle que les Archives n’ont reçu que très peu de registres de mariages célébrés sur le territoire pour l’année 2022, alors que nous sommes déjà en 2024.

Parmi les quatre communes sélectionnées, Pétion-Ville arrive en deuxième position, après Port-au-Prince, en termes de nombre de mariages enregistrés.

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Depuis 2019, les chiffres baissent dans cette commune. De 1476 en cette année, il faut compter 1328 l’année suivante, 1269 en 2021 et 1051 en 2022. En 2023, les officiers d’État civil observent une légère hausse avec 1116, ce qui néanmoins reste en dessous des chiffres d’il y a quatre ans.

Données recueillies exclusivement par AyiboPost des Archives Nationales d’Haïti sur le nombre de mariage dans la commune de Pétion-Ville entre 2019 à 2023.

D’après l’officier de l’état civil de Pétion-Ville, Venel Jules, les mariés de la zone viennent de quartiers comme Juvénat, Nerette, Laboule, Route des Frères, Pernier et Péguy-Ville. Certains des intéressés, selon l’officier, ne se présentent pas avec les pièces nécessaires, comme le certificat prénuptial.

À Delmas, 1804 couples se sont mariés en 2020. Il s’agit d’une baisse de 45 % par rapport aux 3328 de l’année précédente. Pour 2021, la commune a enregistré une légère hausse avec 2384 couples mariés.

Données recueillies exclusivement par AyiboPost des Archives Nationales d’Haïti sur le nombre de mariage dans la commune de Delmas entre 2019 à 2021.

Tabarre est la zone avec le plus bas taux de mariages parmi les communes sélectionnées par AyiboPost. En 2019, 42 noces sont enregistrées, 66 l’année suivante et 71 en 2021.

La population haïtienne est estimée en 2022 à environ 12 033 670 habitants, selon le dernier rapport du ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP). La majorité de la population réside dans l’Ouest (36,9 %), dans l’Artibonite (15,8 %) et dans le Nord (9,8 %).

Selon le sixième rapport EMMUS publié en 2018, au cours des dix années précédant l’enquête, la proportion de femmes de 15 à 49 ans célibataires a sensiblement augmenté, passant de 32 % en 2005 et 2006 à 41 % en 2016 et 2017.

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Ce même rapport indique plus loin qu’un peu plus de la moitié des femmes de 15 à 49 ans sont en union (52 %) contre 39 % des hommes du même groupe d’âge.

Le plaçage est le type d’union le plus répandu dans le pays, quel que soit le sexe. Il représente plus de la moitié des unions, 51 % chez les femmes et 57 % chez les hommes. Le mariage civil ou religieux (32 % chez les femmes contre 36 % chez les hommes) représente à peu près un tiers des unions.

Tabarre est la zone avec le plus bas taux de mariages parmi les communes sélectionnées par AyiboPost. En 2019, 42 noces sont enregistrées, 66 l’année suivante et 71 en 2021.

La loi haïtienne reconnait le mariage entre un homme et une femme. Les couples qui veulent convoler en justes noces peuvent choisir entre le mariage religieux qui est célébré par un ministre de culte ou le mariage civil, reçu par un officier d’état civil.

Selon le Code civil haïtien, l’âge légal du mariage est fixé à 18 ans accomplis pour l’homme et 15 ans révolus pour la femme. Avant cet âge, il faut une dérogation spéciale du président de la République pour se marier.

L’insécurité impacte très certainement les statistiques liées aux mariages. Anne Shamir Pierre Fildor est le chef de service de l’état civil de la section sud de Port-au-Prince.

Selon Fildor, l’insécurité dans la zone a poussé les gens à ne pas fréquenter le bureau d’État civil en 2023. Elle déclare n’avoir pas transcrit 1000 actes de mariage, l’année dernière.

Par Fenel Pélissier

Représentation graphique des données : Riquemi Perez/AyiboPost

Image de couverture : Deux personnes unies. | © Freepik


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Fenel Pélissier est avocat au Barreau de Petit-Goâve, professeur de langues vivantes et passionné de littérature.

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