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Lyonel Trouillot | «Dire honte aux dirigeants du Kenya et de la Jamaïque !»

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Leur intérêt pour fouler le sol haïtien de leurs bottes n’a rien à voir avec un souci d’aider Haïti

L’adversité est telle qu’il faudrait considérer chaque prise de parole comme la dernière et crier les choses qui méritent d’être entendues. Pour modestes qu’ils soient, les actes de parole font écho et nous préservent de la honte qui s’abat sur ceux qui ont adopté le silence comme stratégie de survie, de promotion ou d’enrichissement.

Dire donc, comme si l’on parlait pour la dernière fois, que toute force militaire étrangère venant en Haïti dans les conditions actuelles, avec le gouvernement de facto de Ariel Henry encore au pouvoir, ne ferait que conforter ce pouvoir et nous maintenir dans le marasme et la mascarade. Le dire à nous-mêmes, aux médias, aux diplomates, aux peuples du monde.

Dire que ce ne sont pas les gangs qui ont mis ce pays dans cet état de délabrement et de misère. Ce sont des décennies d’injustice sociale, et c’est la politique des Occidentaux et des institutions internationales, promoteurs et souteneurs du PHTK qui a, au nom d’une parodie de démocratie formelle, installé, chouchouté des gens se définissant eux-mêmes comme des bandits, leur confiant un pays, ses finances, sa justice, sa vie politique.

Pour modestes qu’ils soient, les actes de parole font écho et nous préservent de la honte qui s’abat sur ceux qui ont adopté le silence comme stratégie de survie, de promotion ou d’enrichissement.

Les gangs sont les enfants que vous avez faits à la République d’Haïti. Dire, faudrait être bête comme on n’a pas le droit pour ne pas le voir, que la solution sécuritaire dépend de la situation politique, et toute lutte contre l’insécurité doit faire partie d’une solution politique.

Dire honte aux dirigeants du Kenya et de la Jamaïque. Ce n’est pas qu’en Haïti que les peuples valent mieux que leurs dirigeants, car leur intérêt pour fouler le sol haïtien de leurs bottes n’a rien à voir avec un souci d’aider Haïti, mais sans doute avec un trop-plein à déverser, des subsides à grignoter. Le capitalisme et l’ordre qu’il a instauré ont condamné des États à se prostituer, contre tout sens de la dignité et de l’histoire. Vendre un vote, des biens nationaux. Pousser le ridicule jusqu’à entendre des pays spécialisés dans les élections truquées et contestées menacer d’intervenir militairement chez d’autres pour rétablir la démocratie.

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Exploitation, injustices, mascarades, sans doute pas ce à quoi aspiraient les esprits les plus radicaux et les plus sincèrement humanistes des lumières. Dire aussi qu’il se pense de manière marginale en Occident, mais aussi ailleurs, des mises en question des mensonges données au monde comme vérités et imposées par la violence coloniale et les autres formes de domination qui l’ont suivie. Dire encore qu’heureusement, aujourd’hui les mensonges ne peuvent plus convaincre.

Dire enfin que l’urgence est pour Haïti — et je ne souffre d’aucun jeunisme — l’entrée coordonnée de la jeunesse radicale des milieux défavorisés dans la vie politique. Ils développent une conscience intelligente des causes de nos malheurs, ils ont une lecture critique des idéologies et faux-semblants qui dominent le monde. L’engagement et la discussion avec les vieux progressistes en perte d’énergie sinon d’idéal enrichiront leur savoir-faire. Un nouveau radicalisme. Là est l’espoir.

Dire à ceux qui n’aiment pas cet article que tout désamour peut être réciproque.

Par Lyonel Trouillot

© Image de couverture : rtbf


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Poète, romancier, critique littéraire et scénariste, Lyonel Trouillot a étudié le droit.

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