La tentation par le spectacle. Les gadgets de la modernité. Les objets matériels. Les baskets, les artifices vestimentaires. Les paradis artificiels des plaisirs dans le vent. Ce que je vois que je veux posséder et faire. Ce qui m’est donné comme aspiration sans quoi je ne me sens ni à la mode ni vivant. Le factice et le superflu qui me sont devenus essentiels.
Le recours à la violence. Intégrer les gangs ou les brigades qui se multiplient, avec le risque qu’elles-mêmes deviennent un jour des gangs. Certains chefs de gangs étaient perçus comme des policiers bien intentionnés quand ils portaient l’uniforme avant de se transformer en machines à tuer. La violence comme forme de pouvoir social, comme outil pour dire que j’existe.
La tentation par le spectacle. Les gadgets de la modernité. Les objets matériels. Les baskets, les artifices vestimentaires. Les paradis artificiels des plaisirs dans le vent. Ce que je vois que je veux posséder et faire. Ce qui m’est donné comme aspiration sans quoi je ne me sens ni à la mode ni vivant. Le factice et le superflu qui me sont devenus essentiels. Alors voler, tuer, pour avoir cela, être comme cela, et au final n’être plus que cela. Une paire de baskets, une chaîne, un jean comme objectif et identité.
Certains chefs de gangs étaient perçus comme des policiers bien intentionnés quand ils portaient l’uniforme avant de se transformer en machines à tuer.
L’opinion contre l’idée. On a une opinion sur tout sans savoir d’où elle vient, qui parle en moi quand je dis « je ». On est loin de tout, je pense donc je suis. De tout, je comprends donc je suis. « Je m’exprime donc je suis. » Peu importe que j’exprime le ridicule de l’obscurantisme du religieux archaïque, de l’individualisme sauvage, de tous les négationnismes. Je suis fini, complet. Soit par l’intériorisation des diktats de la secte. Soit par la logique de l’individualisme forcené qui fait de l’autre un ennemi, au mieux un concurrent.
La violence comme forme de pouvoir social, comme outil pour dire que j’existe.
Mon rapport au monde, c’est de dire un « je » qui n’en est pas un, sans empathie ni intelligence de la réalité globale. Ni ouverture d’esprit vers des idées nouvelles. Je suis comédienne, mais le théâtre pour moi c’est les télénovelas. Je suis économiste, mais l’économie politique pour moi consiste à réciter les leçons de la vulgate des propagandistes individualistes. Imperméabilité du fanatique. Incapacité d’abstraction. Perte de toute dimension poétique dans son rapport à l’autre, à soi-même, à l’existence. Médiocrité du ressenti et de l’outillage conceptuel. Platitudes comme certitudes.
Le recul des théories de critique sociale et de la conception du politique comme espace de transformation de la vie sociale vers du meilleur pour tous. La composition des dernières formations politiques, les pratiques de ces formations, le rapport des jeunes parlementaires avec leur fonction, tristes preuves non seulement de l’individualisme en mode, je prends tout, mais aussi de l’affaissement intellectuel. Marx, Durkheim, Cabral, Aron, Roumain, Alexis, Louis-Joseph Janvier… À droite comme à gauche, je n’ai rien lu et m’en porte très bien. Et ne m’emmerdez pas : La politique est l’art de s’enrichir et d’être au pouvoir.
On peut penser à Jacques Brel : « Jojo, nous parlons en silence d’une jeunesse vieille. Nous savons tous les deux que le monde sommeille par manque d’imprudence ». Très peu de place pour des aventures intellectuelles, artistiques, humaines à vocation émancipatrice et libératrice. Louer. Encourager les exceptions qui tiennent du miracle ou de l’héroïsme. Les aider à se regrouper. À se fortifier. Contre « la fausse vie », cette « somme des ruses pour être bien installé », ou le déjà-là de normes qui enferment.
Par Lyonel Trouillot
Couverture |Trois jeunes hommes sont assis sur un muret, contemplant la mer. Photo : Freepik
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