SOCIÉTÉ

Le « lalo » haïtien gagne du terrain aux États-Unis

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Une initiative dans l’Artibonite illustre le potentiel de succès économique de ce secteur

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De trois tonnes par mois en 2020, l’entreprise a expédié 24 en juin dernier.

« Le lalo haïtien peut gagner en popularité dans le monde et se montrer compétitif sur le marché américain », déclare à AyiboPost Fabias Voltaire, directeur de « Ayiti Vizyon pou devlopman peyi m ».

Cette entreprise de l’Artibonite se spécialise dans l’exportation des produits alimentaires.

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Des employés d’Ayiti Vizyon mettent des paquets de lalo dans un carton destiné à l’exportation.

L’augmentation mensuelle de 700% de ses exportations de lalo vers les États-Unis en moins de quatre ans prouve – selon le responsable – l’attrait international du produit.

Mais pour prospérer, l’industrie demande des investissements dans les infrastructures ainsi que la fin de la violence des gangs.

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Des employés d’Ayiti Vizyon emballant le «lalo» pour l’exportation.

Déjà, le lalo – également connu sous le nom de Corchorus olitorius – conserve une forte popularité dans plusieurs régions du pays.

Un « festival lalo de l’Artibonite » célèbrera sa neuvième édition en décembre, selon son initiateur, Jean-Ronald Armand.

En 2019, la méthode de préparation traditionnelle originaire de cette région a été inscrite au registre du patrimoine culturel immatériel d’Haïti.

L’année suivante, Haïti avait produit 234,74 tonnes de lalo, selon le site spécialisé en agroalimentaire « Espace Agro ».

En raison de la sécheresse, cette production a chuté de 11% en 2013.

Dans un contexte national de chômage chronique, le lalo peut créer des emplois.

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Plusieurs employés d’Ayiti Vizyon emballant le «lalo» pour l’exportation.

La chaîne de production de « Ayiti Vizyon » emploie 2 545 personnes, selon ses initiateurs.

Dieupromène Antoine cultive la plante, dont le panier se vend à 1 250 gourdes.

Antoine est également responsable de la gestion du lalo à Marin, une zone de Verettes, avant son transfert vers Port-au-Prince pour son embarquement vers les États-Unis.

30 personnes l’accompagnent pour le nettoyage et le dessèchement du légume.

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Pour le mois de juin par exemple, elle a fourni 420 paniers de lalo à « Ayiti Vizyon».

Ednoi Jean-Baptiste de la troisième section communale de Petite-Rivière-de-l’Artibonite est aussi l’un des principaux fournisseurs pour la compagnie.

L’homme dit avoir embauché dix personnes pour le nettoyage et le séchage au soleil du produit.

Des cultivateurs de la zone comptent sur le lalo pour subsister.

Wilna Louis-Jeune fournit 50 sacs de lalo séché par semaine avec une trentaine de membres de sa famille.

« La culture du lalo est mon activité principale », déclare-t-elle à AyiboPost.

La production sans recours à des produits chimiques agressifs peut constituer un argument de poids pour certains acheteurs étrangers.

L’agronome Yguens Michel supervise les travaux sur deux hectares de terrains de la ferme Hands Together à la Savane Désolée.

« Le lalo produit pour [Ayiti vizyon] dans notre ferme est réalisé dans des conditions bio », affirme Michel.

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Un employé appose une étiquette sur un paquet de «lalo».

Pour assurer la distribution du lalo aux États-Unis, Fabias Voltaire informe avoir créé une entité parallèle nommée Caribbean Green LLC.

« Ayiti Vizyon » a également établi un partenariat avec près de 300 églises protestantes dans la communauté haïtienne pour promouvoir le lalo.

Le lalo produit pour [Ayiti vizyon] dans notre ferme est réalisé dans des conditions bio.

Agronome Yguens Michel

Malgré ce succès relatif, le produit est confronté à l’insécurité, à la rareté et à la hausse des prix du carburant ainsi qu’à des problèmes liés à l’absence d’infrastructures pour l’agriculture.

Une entreprise nommée Planet Agricole S.A, située à Savane Désolée a été contrainte de cesser ses activités en 2022 en raison de l’insécurité dans le département de l’Artibonite, selon son directeur général, Patrick Joseph.

La société consacrait quinze hectares à la production de lalo.

Mais les vingt employés nécessaires pour les opérations ont rencontré d’énormes difficultés pour se rendre dans la ferme – ce qui a rendu la fermeture inévitable, souligne Joseph.

Plusieurs communes du département de l’Artibonite subissent les exactions des bandes armées depuis au moins avril 2019.

Beaucoup de paysans ont fui leurs terres dans ce département réputé comme étant le bastion de la production du riz et du lalo en Haïti.

Jusqu’à 3 000 hectares de terres agricoles ont été abandonnés en 2023 par rapport à 2018.

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Le PDG de Planet Agricole S.A attend que le climat de sécurité soit rétabli pour relancer les activités.

En attendant, des acteurs du secteur appellent l’État à intervenir.

Il est nécessaire de mener des recherches sur la filière lalo afin de déterminer les meilleures conditions de production et de conservation, propose l’ancien directeur général de l’Organisation pour le développement de la Vallée de l’Artibonite (ODVA), Volny Paultre.

Les autorités publiques doivent, selon l’agronome, « manifester beaucoup plus d’attention et d’intérêt pour soutenir le processus du renforcement de la production du lalo en Haïti ».

Par Rolph Louis-Jeune

Image de couverture: Fabias Voltaire, directeur d’« Ayiti Vizyon pou devlopman peyi m », vérifie l’inventaire et effectue un contrôle avant l’expédition des produits.


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Louis-Jeune est journaliste à AyiboPost depuis avril 2023. Il a fait des études en philosophie et en science politique à l'Université d'État d'Haïti.

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