Des voix plus sensibles soulignent la procession des despotes qui ont pillé Haïti au fil des ans, privant le pays d’une infrastructure efficace et le rendant particulièrement vulnérable face aux catastrophes. Mais pour de nombreux Haïtiens, la faute incombe surtout à la colonisation, aux négriers et extorqueurs de l’empire qui l’ont paralysé avec une dette indigne et qui le mettent de façon permanente en retard dans sa croissance économique. La ligne de faille va directement à la France.
Au 18è siècle, Haïti, le bijou des grandes Antilles, était le plus grand exportateur de sucre au monde, la perle des Caraïbes (à l’époque la canne à sucre avait la même importance dans l’économie que le pétrole a aujourd’hui dans notre économie). Mais selon les normes coloniales, les traitements imposés aux esclaves, moteur de cette prospérité, travaillant dans les plantations furent atroces, ignobles et déshonorants. Ils sont morts si vite que la France importe 50 000 nouveaux par an afin de maintenir ses chiffres et ses profits.
Indignés, les esclaves d’Haïti se révoltent sous la direction de leurs chefs autodidactes
Ces esclaves révoltés juraient de « vivre libres ou mourir ». Mais cette « impertinence » la France ne leur a jamais pardonné, y compris la perte des revenus de son système esclavagiste: 800 plantations de sucre détruites, 3 000 plantations de café perdues. Un blocus commercial brutal a été imposé à la jeune République durant un siècle et demi, coupable de sa liberté Haïti fut obligée de payer une indemnisation gigantesque.
En 1825,
Les conditions étaient non négociables pour Haïti déjà épuisée par de longs combats et son dur devoir d’exister en tant que jeune nation. Le pays fut obligé d’accepter l’inacceptable, celui de payer sa liberté du joug de l’esclavage par le nez. Il ne s’agissait pas d’un accord entre Haïti et la France. Il faut donc le souligner, que c’était par l’utilisation de la violence, et non pas par traité ou délibérations d’un tribunal international que cette indemnité a été fixée puis demandée. La somme colossale a été ramenée à 90 millions de
La comptabilité historique est une entreprise inexacte, mais l’ampleur de l’usure française était étonnante. Même lorsque l’indemnité totale a été réduite à 90 millions de
Accablée par ce lourd fardeau financier, la première République noire est née en
En 2010, il y eut une réclamation faite par des universitaires et intellectuels français (Etienne Balibar, Stéphane Douailler, Edgar Morin, Antonia Birnbaum, Eric Alliez, Patrick Savidan, Chantal Jaquet, Jérôme Vidal, Lucien Sève). Le Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN) a estimé le remboursement de la dette à 17 milliards d’euros (22 milliards US $ intérêts compris).
Mais bien avant, en 2003, le président haïtien Jean Bertrand Aristide, premier président démocratiquement élu après la dictature des Duvalier, a essayé de présenter une demande de restitution de la somme versée. En représailles le gouvernement français a participé à son renversement par une rébellion armée. Le président haïtien a essayé de résister aux menaces, mais a succombé à la pression de l’ambassade des É
En 2004, Jacques Chirac a mis en place une commission de réflexion dirigée par le philosophe de gauche Régis Debray. Cette commission avait pour objectif d’examiner les relations historiques de la France avec Haïti: elle concluait benoîtement que la demande de restitution était « non pertinente en termes juridiques et historiques. »
Haïti n’a pas besoin de mots, de conférences ou de commissions de réflexion. L’héritage du colonialisme dans le monde entier est amère donc irréparable, mais dans certains pays il existe un lien beaucoup plus direct entre les offenses du passé et les horreurs du présent.
La restitution à Haïti sans doute « un moyen de remettre en cause les déséquilibres économiques d’aujourd’hui entre les anciennes colonies et les anciennes puissances coloniales car, à l’évidence, la richesse des uns s’est constituée en bonne partie grâce à l’exploitation des autres.* » Et dans le sillage de la fragilité économique actuelle d’Haïti, c’est plus qu’un devoir pour la France, « pays des droits de l’homme ».
Comme a dit un jour l’éditorialiste français Alain Genestar sur les ondes de Radio France Internationale (RFI): « Compte tenu de tout ce que nous savons, de tout ce que nous avons fait, de tout le mal dont nous avions été autrefois les auteurs puis plus tard les complices, ce n’est pas d’aides charitables, mais d’indemnités, de dédommagements.»
À entendre le président François Hollande, en visite en Haïti ce 12 mai 2015, des voix s’interrogent sur le courage de la France d’honorer sa dette à son ancienne colonie. Après avoir déclaré la veille: « Quand je viendrai en Haïti, j’acquitterai à mon tour la dette que nous avons. » Son entourage a vite précisé qu’il s’agissait d’une « dette morale ». Mais pour
Opinions 1ère
Image: ParisMatch
Notes
* L’armée indigène. La défaite de Napoléon en Haïti,
** Esclavage et réparations. Comment faire face aux crimes de l’histoire,
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