ART & LITERATUREEN UNESOCIÉTÉ

Et si on commençait par la musique ♫♫♫

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« Qui néglige la musique ignore l’approche du sublime » Louis Nucera

 Qu’est-il arrivé à la musique dans le monde ? Qu’est-il arrivé à la musique dans ce pays? La musique populaire surtout : celle que nous écoutons, qui nous fait sourire, secouer la tête ou qui change notre humeur. Avez-vous remarqué ce déclin? Ou pensez-vous que les conséquences se limitent à vos déhanchements?

Il est inquiétant de voir que des gens d’apparence avisée, doute de la pertinence sociale des arts, surtout  de la musique. Sans vouloir vous instruire, souffrez que je vous rappelle que le 4ème art est l’une des pratiques culturelles les plus anciennes. C’est un fait de société mettant en scène des critères historiques et géographiques se retrouvant dans les différents types de musique. L’économiste et auteur français, Jacques Attali, avait avancé dans un essai que chaque époque était tributaire des rapports entre l’art et la société, et plus particulièrement de la musique et de ses formes de réceptions. Il interrogeait le rôle et l’évolution de la musique à travers les âges : Pourquoi est-ce un produit de consommation différent des autres? Est-elle devenue un instrument de pouvoir?

Au fait, l’excès de tolérance qui devait favoriser la paix dans le monde a donné naissance à une nouvelle forme de guerre. Une guerre où les victimes  sont criblés de projectiles qu’ils ne ressentent même pas et par conséquent, ils se croient sains et saufs. Seuls les esprits conscients que l’influence est une arme puissante le verront de cet œil.

Saviez vous qu’aujourd’hui la musique est utilisée dans divers domaines  comme la pédagogie (augmentation des performances académiques); au niveau médical (musicothérapie); à des fins psycho- sociales (traitement des folies meurtrières), dans vie sociale et dans la vente (manipulation des consommateurs). Pourquoi d’après vous confie-t-on la réalisation des spots publicitaires, les jingles à des producteurs professionnels? Avec une belle mélodie c’est plus facile à retenir et le concept crée une proximité affective. La diffusion à répétitions de paroles accompagnées d’une mélodie a un effet subtil sur votre conscience. Attendez, j’ai dit subtil! Ca doit être sur votre subconscient alors. C’est ce que tente de faire certains candidats pendant la période électorale en Haïti (mais dommage, c’est plutôt de la pollution sonore).

Quel écolier haïtien ne se retrouve pas dans ces paroles de Michel Sardou:

« Quand j’étais petit garçon, je repassais mes leçons en chantant« 

Ou peut être qu’en grandissant vous vous êtes retrouvés dans celle-là:

« Et quelques années plus tard, je chassais mes idées noires  en chantant« 

Saviez-vous aussi que même sans rituels mystiques ou incantations de loas, certains genres musicaux sont capables de provoquer des effets psychédéliques et de déclencher une transe. Dois-je prolonger la liste pour vous convaincre que la musique, par ses caractéristiques intrinsèques, a une grande capacité d’influence.

Aujourd’hui on ose parler de sexe de la manière la plus crue sous prétexte d’avoir « l’esprit ouvert », que ce n’est pas la première fois, ou parce qu’il y a eu des Coupe Cloue avant eux. Ca c’est bien de chez nous : le passé comme excuse, les anciens comme boucs émissaires. Ah si c’était seulement le sexe! La violence, les pratiques déviantes,  la luxure, la surconsommation, le matérialisme, l’apologie de la drogue, le pragmatisme radical, la débauche comme philosophie sont si bien vendues dans la musique de nos jours qu’il ne reste plus rien à ajouter. Le capitalisme a gagné; les victimes s’en réjouissent.

Lorsque dans la foulée des compositions grivoises, on trouve à peine « Yon ti moral »  nous l’aurons compris : Entre le chanter et l’appliquer la cloison est étanche.

« Vous qui croyez que l’homme est bon, parce qu’il sait faire de belles chansons… »

Gerard Presgurvic, Verone (Roméo et Juliette, de la haine à l’amour)

Puisqu’il faut proposer après avoir critiqué, je crois avoir une idée. Et si on faisait comme ces politiciens qui n’ont rien inventé, rien élaboré, mais auront tout inauguré. Accaparons-nous de cet art si sublime mais trop perverti, en Haïti. Utilisons-la à des justes fins. Faisons la chasse aux mauvais interprètes pour faire place aux artistes. Faisons fuir les mauvais auteurs pour accueillir les lyricistes. N’est-ce pas Platon lui-même, qui disait dans son dialogue, De la République :

« Si vous voulez contrôler un peuple, contrôlez sa musique« 

Alors accaparons-nous du Compas. Faisons de cette musique une vraie fierté nationale, bien plus qu’un prétexte pour « ploge »; un genre qui évolue, une production plus innovante surtout au niveau lyrique.

Accaparons-nous du Rap kreyol. Au lieu de prôner la violence et de plagier le modèle illusoire étatsunien, essayons de « Repare Ak Pawol », pour répéter F-Ner de Magic Click. A l’instar de Keri James, que les flows de nos rappeurs offrent des mots qui percutent, des mots qui éduquent, des mots qui ont un but.

Accaparons-nous du Raboday, ce genre musical qui pourrait faire dans le monde, ce qu’a fait le House avant lui – opinion que partage Fabrice Rouzier. Qu’il prône des paroles plus courtoises envers nos femmes, des sujets plus diversifiés et des slogans moins triviaux. S’il provoque lui aussi, des poussées d’adrénaline, alors qu’il remplace le House dans nos salles de gym hors de prix, et que ces jeunes femmes bougent ce que vous savez  sur un rythme purement créole.

Si certains mélangent les mots et les phrases dans n’importe quel sens « depi l bay Rezilta », nous devons cesser de les applaudir. Alors que partout dans le monde les arts sont relevés au niveau de disciplines universitaires, nous continuons à banaliser l’art. Nous en avons fait uniquement un objet de loisir ; un vil produit de consommation. Notre indifférence a son évolution et à son expansion, nous avons commencé à le payer. Et ca ne fait que commencer. Aujourd’hui nous devons accepter que la pratique d’un art aussi répandu que la musique populaire peut influencer la société dans toutes ses sphères. Ainsi, nous apprendrons à considérer nos artistes. Considérer ! Pas nécessairement aimer. C’est alors que nous pourrons les apprécier, les évaluer, les intégrer et les mettre à leur place quand ils font des écarts. Il serait pertinent de légiférer leur secteur et surtout prendre des mesures prescriptives contre leurs démarches déviantes. La société et l’Etat devront le faire avec soin, beaucoup de soin. Parce qu’ils peuvent se révolter et devenir Président… ou Parlementaire. Ce n’est que de l’art dites-vous ? D’accord, il n’était qu’un président, ou ils ne sont que des parlementaires… Maintenant voyez comme ce pays a  subi ou profité de leur accès au pouvoir.

Je pense aux rageurs qui ont milité contre des titres comme Fè wana mache ou Ti Lili. Qu’allez- vous faire quand ces titres renaitront de leurs cendres ? Qu’allez vous faire quand Ti lili, meringue de 2016 sera l’une des plus diffusées au champ de mars en 2017 ? Oui, j’assume cette prédiction! Maintenant répondez-moi, qu’allez vous faire ? La censure ne marchera pas. Au contraire. Demandez aux économistes et aux affairistes ils vous le diront. Les premiers vous diront que la rareté d’un produit augmentera sa valeur et les seconds, que cela fera augmenter la demande. Dans les deux cas la censure leur sera favorable.

On ne peut compter que sur la conscience individuelle le seul vrai bouclier contre la déviance. Que les institutions responsables, que les médias et toutes les instances culturelles fassent une coalition pour dire non aux textes grivois, déviants, pervers qui abondent nos ondes. Protégeons les jeunes esprits pour assurer l’Haïti de demain. Si certains ont pu joindre l’utile à l’agréable, nous joindrons alors le pudique ou l’audible  à l’appréciable.

« Les personnes qui ne donnent pas une seule chance à la musique de changer le monde sont celles qui n’aiment pas la musique.  »…. Ben Harper

Peut-être bien qu’en ce jour, personne ne s’inquiétera ou fera de prédictions fatalement justes lorsque des chanteurs se présenteront aux élections. Je vous le dis: il n’y aura pas que des fans parmi les électeurs. Il y aura des intellectuels, des militants moralistes, des naïfs, des leaders d’opinion, des mafieux… et même des zombies.

Et puisque la politique est devenue une étape dans la carrière de nos artistes musiciens, pour le bien d’Haïti chérie, il faudrait peut-être que nous pensions à commencer par la musique… Oh ce n’est pas moi qui le dit mais Paul Verlaine:

« De la musique avant toute chose« 

 Réflexions d’un mélomane avisé

Steeve Bazile 

Je suis Steeve Bazile, entrepreneur, journaliste, mais avant tout amateur de littérature. J’ai trouvé en cette dernière, un trésor surpassant toute forme d’intelligence : le bon sens. Le mien étant régulièrement aiguisé, je m’arroge donc de dire, de débattre, d’opiner, de contester, de questionner tout ce que je crois comprendre. Un érudit, dites-vous! Mais non, je ne suis qu’un profane… Le profane avisé!

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