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Une confession empoisonnée

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«Avec tout ce qui s’est passé ces derniers temps, tu es la seule à qui je peux me confier. L’avantage avec toi, c’est que non seulement, tu m’écouteras en silence sans me juger, mais aussi, je suis sûre que mon secret sera bien gardé, grand-mère».

J’ai gardé ça pour moi bien trop longtemps, il faut que cela sorte aujourd’hui….

Mes sentiments, pour elle, ne sont pas des moindres. Jusqu’ici, je suis parvenue à les cacher, ou mieux, à les refouler dans un souci de ne pas  aller à l’encontre de ce que veut la société. Je ne peux pas l’aimer! Non! Pas elle! Surtout pas elle! C’est une idée à laquelle je m’étais, jusqu’ici, résignée. Et en plus, il y avait ce type: véritable obstacle qui m’empêchait d’atteindre celle que j’aimais. Il ne la lâchait pas d’une semelle. Et moi, la nuit, je n’avais pour consolation que le fruit de mon imagination, essayant du mieux que je pouvais, de fantasmer sur elle, de penser à toutes ces choses que je pourrais lui faire si j’étais à la place de cet enfoiré.

Tous les jours, je les regardais. Je les enviais. Pourtant, je savais à l’intérieur de moi que ce n’était pas normal de ressentir cela à leur égard. Une intense attirance pour elle au point de me voir au lit avec elle, et une profonde haine pour lui. Lui qui était là où j’aurais dû être. Lui, dont les années avaient permis qu’il pût être à ma place. Pourquoi n’avais-je pas eu la chance d’être là avant lui?

L’impuissance et la peur m’envahissaient chaque jour davantage. Je ne savais que faire pour gagner le cœur de madame, bien que cela relevait de l’anormalité la plus extrême que de la vouloir elle, et pas une autre. Je devins de plus en plus réceptif aux signaux que m’envoyait mon corps. La façon dont je me sentais à chaque fois qu’elle passait devant moi, qu’elle me jetait un regard affectif sans réfléchir aux énormes conséquences que cela pouvait avoir sur ce petit sexe qui ne demandait qu’à servir à quelque chose, cela me troublait. Tout ceci me rendait dingue!

Alors je décidai d’y remédier.

Mon plan n’avait que deux angles: d’abord, éliminer l’ennemi et ensuite, avouer ma flamme à ma dulcinée. Je me suis donc souvenue de l’une des recettes que tu faisais avec ces herbes que tu maniais avec une telle dextérité; j’ai ajouté d’autres ingrédients que je me garde de te révéler pour fabriquer une mixture semblable à une purée de haricot blanc. Je ne te cacherai pas que ce dimanche, la purée de haricot était au menu. Cela m’a facilité le mélange.

En effet, ce dimanche après-midi, après son repas, mon père Ralph est mort. Je n’ai pas eu d’autres choix que de l’empoisonner.

C’était la seule façon pour moi d’avoir ma mère à moi toute seule, de lui dire enfin ce que je ressentais pour elle. Je n’avais plus envie de le cacher. Je ne le pouvais plus d’ailleurs. C’était plus fort que moi. Oui, je l’aimais grave! L’autre là, il a dit que cela survenait vers l’âge de 3 à 5 ans, mais moi, on dirait que ce complexe m’a poursuivi jusqu’à mes 18 ans.

Eh ben voilà, grand-mère! Tu sais tout! Depuis le temps où tu m’invites à me confier à toi dans mes rêves, je me disais que je n’avais encore rien de croustillant à te raconter. En outre, qu’est-ce tu as à faire de ces histoires de jeunesse ennuyeuse? Mais aujourd’hui, c’est avec plaisir que je viens te parler en tête à tête.

Il fallait que ça sorte.

Une fois ma confession terminée, je pris le balai que j’avais apporté, balayai la tombe de ma grand-mère, puis rebroussai chemin le cœur léger.

Darline Honoré

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