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Un Ministre indien propose aux 92 femmes violées par jour de recouvrir leurs jambes

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C’est dans un reportage sur France 24 que le chiffre est tombé. Ça donne froid dans le dos. Ça relève presque de la fiction. L’inde n’est pas un pays en situation de guerre ou de conflit quelconque, ni un pays en situation post-catastrophe. Des contextes qui prêtent presque toujours à une hausse vertigineuse des cas de violences sexuelles. Non, l’Inde n’est rien de tout ça. L’Inde est aujourd’hui un pays en pleine croissance économique, ayant le statut de géant économique le plus dynamique de la planète et faisant figure d’Eldorado avec 7,9% de croissance au premier trimestre de l’année 2016 (1). Comment expliquer alors que  cette croissance économique, ce développement social côtoient de si faibles indices de développement humain, la condition de la femme et les inégalités femmes-hommes étant des facteurs sociologiques indéniables.

92 cas de viols enregistrés par jour. C’est un chiffre à prendre avec prudence car il est prouvé scientifiquement et statistiquement que partout dans le monde, la majorité des victimes ne porte pas plainte (En France, plus de 8 victimes sur 10 ne portent pas plainte, selon les chiffres de l’Insee et de l’Observatoire National de la Délinquance et des Réponses Pénales (ONDRP)).
Mais le reportage ne portait pas principalement sur le nombre sidérant des cas de viols dans ce pays mais plutôt sur la décision du ministre indien du tourisme d’interdire les shorts et les jupes chez les touristes. En 2014, 7.42 millions de touristes étrangers sont arrivés en Inde, ce qui a propulsé ce pays à la 38ème place de destination touristique mondiale (2).

En Inde, la tenue traditionnelle et quotidienne des femmes est le sahri, forme de tunique couvrant la totalité du corps de la femme et il est porté par quasiment la totalité des femmes indiennes (culture et politique oblige). Cette majorité de femmes représente pourtant, plus de 90% des femmes violées.  Comment le ministre explique-t-il donc que ces femmes soient violées et souvent battues et sauvagement assassinées, qu’elles soient les proies de leurs prédateurs? Serait-il permis de violer des femmes qui montrent un peu plus de chair? Disons-nous à nos hommes que nous avons compris qu’ils étaient des animaux incapables de contrôler leurs pulsions envers et contre toute dignité et respect de l’autre? Souillons-nous ainsi la mémoire de dizaine d’indiennes victimes de viols collectifs, torturées, filmées et sauvagement assassinées?

Les propos misogynes et sexistes  du ministre indien sous-entendraient donc que le viol qui est un problème de société urgent et criant aujourd’hui en Inde ne trouve pas son essence dans la chosification et le non-respect de la femme en tant que personne maitre de son corps par les hommes, ni dans la recherche d’une domination masculine. Ses propos mettent en lumière cette culture du viol qui, aujourd’hui est l’un des principaux obstacles dans le combat contre les violences faites aux femmes, principalement les violences sexuelles. Voilà quelques éléments qui constituent cette culture du viol: la culpabilisation des victimes (Que portaient-elles? Ou etaient-elles? Avaient-elles bu?…), les conseils aux femmes pour qu’elles ne se fassent pas violer au lieu d’apprendre aux hommes à ne pas violer, la loi du silence, de peur et de honte dont on entoure les victimes.

Rappelons-le, le viol est un acte de domination. C’est une manifestation de pouvoir qui se traduit par la possession du corps de l’autre sans son consentement. Un acte criminel. Un acte barbare. Qui détruit un être humain physiquement, émotionnellement, psychologiquement et souvent socialement. Ce n’est pas un acte de désir. C’est un acte bestial. Les viols de bébés, de fillettes, de religieuses, les viols de guerre, les viols collectifs et de masse, les tortures, les humiliations et les meurtres sont là pour le prouver.

Dans toute société, combattre les violences faites aux femmes passe par des décisions politiques, des moyens de prévention et des stratégies efficaces qui prennent en compte la dimension et la nature des rapports sociaux entre les femmes et les hommes, pas la hauteur de nos talons ou la longueur de nos jupes. Vivement que les politiques le comprennent!

Pascale Lucia Solages

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