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Qui a gagné « Le Débat Présidentiel »?

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Le débat de la Chambre de Commerce de l’Ouest n’est pas le premier organisé durant cette période de campagne pour l’élection présidentielle, mais il est de loin le plus important car il regroupait un échantillon représentatif des candidats les plus influents de la course électorale. Le format du débat était fort dynamique. Les questions étaient bien formulées et les candidats se sont prêtés aux échanges sans grands heurts. Toutefois, certains candidats invités n’y ont pas pris part suscitant au passage des interrogations sur l’importance des débats. Ces derniers ne semblent concerner qu’un petit groupe de la population intéressée à connaitre le plan d’action des candidats.

La performance des candidats a été comme suit :

  1. Charles Henri Baker a commencé le débat sur un mauvais pied en disant qu’il est conscient qu’il allait prendre part à une sélection en lieu et place d’une élection. Il avait un peu l’air de contester les élections avant leur tenue mais souhaitait quand même y prendre part et voulait se montrer prêt à défendre ses voix. Néanmoins, il s’est vite ressaisi et a marqué des points avec ses idées sur la question du budget ainsi que par l’assurance et la fermeté avec lequel il défendait ses positions.
  2. Steven Benoit a su défendre et mettre en valeur sa plus grande réalisation qui est la loi sur le salaire minimum ainsi que ses acquis politiques sans lancer d’attaques inutiles. Il a aussi fait étalage de sa connaissance du paysage politique haïtien et de l’atout que lui confère son expérience dans le secteur public et privé. C’est un Steven confiant qui a répondu du tac au tac aux attaques des autres candidats dont Jovenel Moise.
  3. Éric Jean-Baptiste était égal à lui-même. S’il n’a pas dominé le débat, il a offert la performance du candidat confortable dans ses idées même si certaines d’entre elles étaient peu innovantes. Il a posé des questions pertinentes aux autres candidats.
  4. Steve Khawly rappelait Mario Andresol durant le premier débat du GIAP, le stress a eu raison de lui. Il a mis trop d’accent sur des détails secondaires et a vanté plus que de raisons ses réalisations à Seguin et dans la cause de l’environnement en s’emmêlant les pinceaux avec les concepts d’environnement et de déforestation.  Quand on sait qu’il fait de son engagement dans se secteur son cheval de bataille, une telle confusion porte à équivoque.
  5. Jovenel Moise a surpris plus d’un. Le jeune protégé du président de la république a montré qu’il peut voler de ses propres ailes. Il a bien maitrisé ses priorités comme le développement de l’agriculture et le renforcement de la production nationale. Il a vendu son programme mieux que la majorité des autres candidats. Fidèle aux pratiques de son parti, il n’a pas manqué de lancer des pointes aux autres candidats.
  6. Maryse Narcisse, au début, donnait l’impression d’être une femme suffisamment bien embue de ses objectifs pour se passer de l’accompagnement étouffant qui lui fait perdre sa crédibilité mais elle s’est vite tue et a intervenu de moins en moins. Quand on lui a demandé pourquoi on devait la voter, elle n’a pas su prendre le contrôle, elle s’est rétractée pour parler du peuple et de son parti remettant en question le bien-fondé de sa candidature et la perspective d’un retour au temps de la présidence de doublure si elle est élue. Elle a surtout prouvé sa loyauté envers son parti en le défendant avec tact face à Sauveur Pierre Etienne.
  7. Sauveur Pierre Etienne n’a pas su répondre à la toute première question qui lui a été posée. Il a été hors sujet. Il mourrait d’envie de jouer au professeur. Il voulait apprendre des choses aux autres candidats plutôt que de vendre ses projets. Quand il ne jouait pas au professeur il jouait à l’arbitre, il ne manquait plus qu’il se mette à jouer au modérateur. Il a quand même pu émettre quelques idées notamment sur le budget mais on gardera de lui le souvenir d’un candidat provocateur qui s’est laissé aller à ses vieilles habitudes d’éternel opposant au point de passer à côté de l’objectif de l’exercice qui est de convaincre les électeurs de le voter. Il a quand fait des remarques pertinentes.

Les candidats Steven Benoit et Jovenel Moise furent les meilleurs. Steve Khawly, Maryse Narcisse et Sauveur Pierre Etienne n’ont pas été les plus convaincants. Les journalistes ont fait preuve de professionnalisme mais une femme journaliste ne serait pas de trop parmi les deux hommes. Le débat en soi valait la peine d’être suivie même s’il trahit le manque de préparation des candidats, l’absence de plan d’études de  faisabilité préalable des projets des candidats et le manque de données fiables pour ne citer que quelques exemples. A vous de jouer, rendez-vous aux urnes pour faire votre choix.

Emmanuela Douyon est une spécialiste en politique et projets de développement. Elle a étudié à Paris-1 Sorbonne en France et à l’université National Tsing Hua de Taïwan. Emmanuela a travaillé dans plusieurs secteurs en Haïti. Elle est fondatrice du thinktank Policité et offre des consultations stratégiques en gestion et évaluation de projets. Outre ses activités professionnelles, Emmanuela est une activiste luttant contre les inégalités et la corruption. Elle intervient souvent dans les médias pour commenter l’actualité et analyser des questions économiques.

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