EN UNEPOLITIQUE

Le président normal, son cousin « aloral » et la dette anormale

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Il était une fois, un président normal, d’un pays normal, en tournée normale dans une zone banale : la Caraïbe. Si bien sûr par banal, vous entendez, entre autres, des antillais à séduire pour les présidentielles de 2017, auparavant livrés à eux mêmes pendant tout le début de son quinquennat. Ou encore, des débouchés économiques à anticiper avec l’ouverture d’un pays hier honni, mais aujourd’hui convoité pour sa technologie médicale, et ses entrailles quelque peu vierges des bottes destructrices du capitalisme de marché.

Ce président s’est livré dans la région à un exercice des plus rentables pour sa situation : proférer des palabres politiciennes. Sa parole, non contrôlée, inconséquente, déconnectée de ses intentions donc somme toute politique, lui a valu de s’aventurer, dit-on, en dehors des petites fiches concoctées par ses responsables en communication : « Quand je viendrai en Haïti, j’acquitterai à mon tour les dettes que nous avons ». Salve d’applaudissements dans la salle suivie d’un moment de stupeur dans l’opinion publique internationale.

Que c’est grand! Enfin, ils ont reconnu l’inhumanité de la dette de l’indépendance clamait-on partout sur la toile. Enfin, un socialiste qui rentrera dans l’histoire pour avoir remboursé les 17 milliards d’euros de la honte que trimbale sa patrie depuis le début du XIXe siècle. Justice sera finalement rendue !

Cependant, pour un pays ayant pendant des décennies refusé de passer de la responsabilité morale à son corollaire naturel, la responsabilité pécuniaire, une telle déclaration était incompréhensible! Car, pour eux, il suffit d’appeler un crime par son nom pour l’effacer. La reconnaissance d’une obligation la règle, POINT.

Or, combien de fois n’a-t-il été dit et claironné que  les haïtiens ne marchandent pas sur l’esclavage ni sur la traite ? Ils ne demandent qu’à récupérer ce que Charles X a lâchement réclamé en 1825, par chantage, à la faveur de la configuration hostile à la jeune république de l’époque, pour reconnaître une liberté déjà acquise héroïquement vingt-et-un ans plus tôt sur le front, dans la sueur et le sang.

Cela dit, quand un président normal rencontre un autre qui revendique son anormalité, la symbiose ne peut-être que parfaite. Deux pôles contraires s’attirent! Le premier se confond en promesses douteuses pour excuser sa bourde, l’autre, évidemment, crache sur ses compatriotes et les intérêts de son pays. Le tableau est magnifique. Il n’y manque que la décence, l’honneur et le sens de l’histoire.

S’il fallait retenir une morale de ce récit, ce serait une simple introduction à la géopolitique contemporaine: il n’y a que les rapports de force qui priment dans les relations interétatiques! Et souvent, le plus fort n’est pas forcément le mâle qui a le torse le plus bombé. Ce n’est pas l’escalier sur lequel le président normal a chuté qui dira le contraire !

Widlore Mérancourt est éditeur en chef d’AyiboPost et contributeur régulier au Washington Post. Il détient une maîtrise en Management des médias de l’Université de Lille et une licence en sciences juridiques. Il a été Content Manager de LoopHaïti.

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