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Où sont passés les « millionnaires » de LIFE LEADERSHIP ?

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Le rêve américain dans toute sa splendeur … cet imaginaire bling bling qui nous hante presque tous au quotidien ! Certaines sociétés comme la Life Leadership le savent. C’est pourquoi, elle offre cette « vie que vous avez toujours voulue ». Mais, cette vie, peut s’avérer assez couteuse.  

 

Des livres, des contenus audiovisuels centrés sur la motivation interpersonnelle, d’incessantes conférences animées par de riches entrepreneurs. Le tout basé sur un programme détaillant 19 manières (1/2) de gagner de l’argent. Voilà ce que propose- apparemment- Life Leadership à ses membres.

Imprégnée de cet idéal, Ginou Glergé (nom d’emprunt) est membre de Life Leadership depuis au moins un an. Elle participe régulièrement aux réunions après qu’un ami lui ait prêté un des livres de la société sur le développement interpersonnel. Ginou raconte que désormais elle mène une vie extraordinaire : « Je suis devenue plus constante, plus déterminée et plus accrochée à mes rêves ».

Mais, jusqu’ici tout ne se passe que dans son for intérieur. Elle avoue n’avoir encore posé aucune action réelle dans la concrétisation de ses projets d’avenir. Elle se contente, à chaque occasion, d’apprendre des leçons enseignées régulièrement par les conférenciers de Life Leadership. Une option qu’offre l’organisation aux intéressés. Mais Ginou ne veut pas en rester là. « Je compte lancer ma carrière d’entrepreneure l’année prochaine » affirme-t-elle. Un défi qu’elle lancera avec le département financier de la Life.

Un entrepreneuriat fondé sur la paille ?     

Life Leadership est créée en 2011 suite au divorce d’Orrin Woodward, son fondateur, avec Amway/Quixtar, une corporation de vente directe de produits opérant sur plusieurs échelles. L’aventure entre Woodward et Amway a démarré en 1993 après que ce dernier ait été déçu par son expérience à la General Motors (GM) pour lequel il travaillait depuis des années. Huit ans plus tard, Woodward lance son entreprise personnelle, Together Everyone Achieves More (TEAM). Elle est reconnue comme l’un des fournisseurs d’outils (vendeur) les plus rapides associés à Amway.

Amway considérait, pourtant, ses relations avec les fournisseurs d’outils comme un risque et craignait que ses pyramides ne soient accusées d’illégales. Un tel cas entrainerait la compagnie dans des procédures judiciaires. Mais, les montants que ces fournisseurs rapportaient à l’entreprise étaient trop importants pour qu’elle fasse le dos rond. Woodward a, par exemple, déclaré qu’Amway a profité de 200 millions de dollars grâce aux ventes de la TEAM.

En 2007, Amway décide de se séparer de Woodward qu’il soupçonnait de disposer les produits aux fins de la TEAM. L’affaire est amenée en justice. En plus de ces accusations, Orrin Woodward doit faire face à la faillite de ces outils qu’ils tentent vainement de revendre à d’autres sociétés. C’est alors qu’il pense à la MonaVie. Un producteur de jus, l’un des plus grands concurrents d’Amway. Il obtient un prêt de 3 millions de dollars pour un nouvel investissement qu’il n’aurait pas à rembourser si certains termes du contrat sont respectés.

Orrin Woodward commence des conférences à us$258 sur la motivation où il dit « vendre de l’espoir et de la compétence de ventes» aux participants. Les participants sont invités à lancer leur propre business en se procurant les paquets de jus MonaVie à $ 39 l’unité. Une manière de les inciter à l’entreprenariat et construire une pyramide de marché.

Selon la mécanique de la pyramide, les acheteurs, doivent en même temps liquider le produit et évangéliser leur clientèle afin de les fidéliser. Ces nouvelles pratiques formeront, à leur tour, une secte d’entrepreneur qui prolongera cette activité. Seule la dernière couche (la base de la pyramide) ne profitera pas de cette pratique pendant que la première remportera un sacré pactole.

Orrin Woodward et TEAM, quant à eux, ne touchent pas aux jus MonaVie. Ils préfèrent produire et vendre des t-shirts ($69), des CDs, des livres et des contenus audiovisuels ($258) afin de motiver les gens au leadership.

La grande déception

En Haïti, le discours de la Life Leadership a conquis un large public chez les jeunes en dépit des dépenses récurrentes que requiert l’adhésion à l’organisation. Pour être membre il faut verser des frais de $ 20. Des réunions hebdomadaires s’organisent via internet ou physiquement pour aider les membres à s’accrocher à leur rêve.

« Life réalise des séminaires tous les mois à $ 15 dollars et des conférences internationales chaque trimestre » affirme Ginou. Les membres doivent (religieusement) se procurer des livres et autres contenus sur le leadership. Le prix moyen d’un matériel est de mille (1000) gourdes.

Selon les chiffres mentionnés dans le document de présentation de Life Leadership, le revenu moyen annuel de ses membres est de $ 975,12. Il déclare que 44,37 % des membres ne génèrent aucun revenu et 55,52 % ont quitté l’association après leur première année. Moïse Toussaint, un étudiant, n’a pas été emballé par les enseignements de Life Leadership. Il raconte avoir abandonné après quelques conférences. « Leur perception du monde est trop mécanique et chronophage ».

«L’étudiant en Sciences informatique a aussi réalisé que les exigences de Life Leadership ne convenaient pas à son statut économique. Moïse Toussaint estime que l’environnement de la plupart des jeunes qui adhèrent à Life Leadership n’est pas propice à l’entrepreneuriat. Selon lui, « il est absurde et irréaliste de s’imaginer réussir sa vie comme le prétend Life Leadership lorsqu’on tient compte de la réalité économique du pays. »

 

Un cercle fermé et inaccessible au grand public

Les différents responsables de Life Leadership contactés n’ont pas voulu répondre à nos demandes d’interview. L’un des responsables a affirmé qu’il doit recevoir l’approbation des dirigeants internationaux et dument signer des documents s’il doit s’expliquer sur le fonctionnement de l’organisation. « Je dois être prudent et éviter les complications », précise-t-il. Les informations concernant Life Leadership sont très rares. Les leaders ne s’expriment pas dans la presse et retiennent la société dans un cercle fermé avec leurs méthodes strictes et rigoureuses.

Réginald Raymond (nom d’emprunt), un ancien de Life Leadership, décrit le système de Life Leadership de : «  chaine d’exploitation et de manipulation ». Après de nombreuses expériences, il avoue avoir été déçu de ces types organisations. « J’ai pris part à plusieurs d’entre elles affirme Raymond qui cite Amway, Life Leadership et 5LINX. « Au début, ils vous traitent affectueusement, vous invitent au restaurant et passent vous prendre en voiture jusqu’à vous inculquer lentement leur idéal » poursuit Raymond, « Certains des membres sont prêts à devenir votre ennemi si vous déclinez leur offre. » Dès son intégration, Réginald Raymond s’est mis à interroger l’attitude mécanique et religieuse des assistants vis-à-vis des discours de riches conférenciers qui leur promettent de leur montrer le chemin du succès. Au delà de certains de leurs produits qui contiennent des informations intéressantes pour le développement personnel, Life Leadership offre d’abord et surtout un rêve souvent inaccessible à ses membres. S’il s’en tenait qu’à une formule, celle de l’organisation se voudrait sacrée : « Le royaume de Life Leadership est forcé, et ce sont les violents qui s’en emparent ».

Hadson A. Albert

Journaliste et communicateur

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