EN UNESOCIÉTÉ

Notre nouveau voisin, un petit chef insolent

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Notre nouveau voisin occupe des fonctions importantes au sein du pouvoir. Il parait que, plus il multiplie les incivilités, plus il se sent chef.

 

L’attitude de notre nouveau voisin ne manque pas de piquer notre curiosité.

Un an de cela, l’étage supérieur du duplex que nous habitons était occupé par une famille que le propriétaire a congédiée pour accueillir nos nouveaux voisins, ce qui lui a permis de plus que doubler le prix du loyer. Un homme à peine dans la quarantaine a emménagé avec sa femme, leurs deux enfants et deux autres proches de la famille.

Cet homme qui occupe des fonctions importantes au sein du pouvoir, par son attitude, laisse croire qu’il  fait partie de ces repêchés du bas-fond social qu’une opportunité politique parachute à une hauteur jamais espérée. Il a, à notre sens, le profil-type de l’homme d’Etat haïtien. A savoir celui qui, une fois chef, ne se rend point compte qu’en un rien de temps le pouvoir peut basculer, mais agit plutôt comme si le trône lui appartiendra éternellement.

Notre voisin ne se donne jamais la peine de saluer quiconque sur son passage ou même de manifester les usages les plus élémentaires de civilité. C’est tellement naturel chez lui!

Avec ces nouveaux locataires, on dirait que tout se qui se trouve  au-dessus contient un gène de nuisance sonore. Que ce soit leur chien, leurs enfants, leurs voitures et même leur portail; à toute heure, un bruit d’en- haut dérange la paix de notre foyer en bas.

Quand il n’y a pas le courant du réseau et que l’onduleur de notre voisin ne fonctionne plus, il n’hésite pas à flanquer sa génératrice à proximité de notre chambre et le ronronnement intenable importune tout repos pendant des heures.

Quand le soleil de midi frappe de plein fouet les excréments non ramassés de son chien, l’odeur nous prend à la gorge jusque dans notre salle à manger et  à cause de cela, il nous est impossible de nous reposer paisiblement à l’arrière- cour.

De plus, le type accuse un ton rude qui ne manque pas d’épouvanter ses enfants quand il leur adresse la parole. Au départ, nous pensions qu’il battait sa femme et ses enfants, mais jusqu’ici nous avons vu qu’il n’en est rien. Ses enfants, imitant l’attitude de leur papa, considèrent et traitent leur oncle comme un vieux laquais. Il est pourtant le seul qui soit sympa de toute la clique.

Récemment, nous commentions le comportement de notre voisin. Nous pensions qu’il n’est pas méchant en soi, sinon qu’il accuse simplement de sérieuses lacunes en éducation. Il fait partie peut- être de ces gens victimes des injustices de notre société sauvage, pour qui, occuper une position politique devient une arme de revanche.

Nous imaginions combien il est difficile de collaborer avec un tel homme dans un environnement de travail.

Il nous fait beaucoup penser à ces hommes d’Etat qui croient qu’être chef, c’est se montrer capable de traiter tout le monde en vassal. Le chef haïtien a tendance à regarder les gens de haut, les traiter avec condescendance afin d’affirmer son pouvoir et sa supériorité. Pour lui, c’est une vraie marque de grandeur que de manifester sa « chefferie » dans le mépris total des autres.

Nous nous disions, rien que pour ses enfants, notre voisin devrait comprendre qu’il est judicieux de développer des rapports de bon voisinage. Car, en cas de problème, nous serions les premiers à pouvoir leur porter secours en raison de notre très grande proximité. Et vice versa. Malheureusement, le pouvoir le gonfle à un point tel, que le simple bon sens lui fait défaut.

Il nous fait toujours penser à cet ancien ministre qui se comportait comme le seul grand coq dans une vaste basse cour. Il affichait des airs de suffisance et narguait presque tout le monde. Ce ministre était d’une telle nullité qu’on n’a pas pu comprendre comment le pouvoir avait pu hisser de tels cancres à des positions aussi élevées. C’était peut-être sa façon de prendre sa revanche par rapport à ses retards sur ses collaborateurs.

Les nouvelles fonctions politiques de notre voisin ne peuvent cacher ses basses origines et ses lacunes en sociabilité que même son passage à l’école n’a su combler. Evidemment, il n’est pas quelqu’un d’exemplaire et ne saurait inspirer à quiconque l’amour du service public. Il nous sert d’unité d’analyse pour mesurer à quel point l’éducation dans la vie d’une personne compte.

Si notre voisin estime que la courtoisie et les bonnes manières rapetissent un chef, c’est qu’il n’est qu’un produit pur de notre grave crise de société.

Heureusement, il y a aussi cet autre ancien ministre, aujourd’hui professeur à l’université, qui passe toujours dans sa voiture devant la maison après son boulot. Il demeure un homme affable et de bon commerce qui salue tout le monde sur son passage. Sa compétence a toujours été reconnue et son nom n’a jamais fait la une des scandales. Nous nous disons que s’il existe encore de tels hommes, c’est qu’il y a peut-être lieu d’espérer.

Ralph Thomassaint Joseph

Directeur de la Publication à AyiboPost, passionné de documentaire.

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