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Rendez-nous notre argent Monsieur Hollande!

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Aujourd’hui 10 mai a eu lieu à Pointre-à-Pitre (Guadeloupe) l’inauguration du « Mémorial ACTe » à l’occasion de la 10e journée nationale des « mémoires de la traite et de leurs abolitions ». Il faut souligner que la France est le seul pays européen parmi ceux qui se sont enrichis grâce à l’esclavage à le reconnaitre comme crime contre l’humanité.

Dans cette cérémonie, François Hollande, le président français, a déclaré sous une salve d’applaudissements: « quand je viendrai en Haïti, j’acquitterai la dette que nous avons ». Des propos que son entourage s’est empressé de clarifier: « il s’agissait d’une « dette morale ». Subtilité sémantique qui a balayé d’un revers de mots l’espoir de différentes organisations militant pour le devoir de mémoire, et l’indemnisation des anciennes colonies que la France a si bien pris plaisir à sucer, jusqu’à les réduire à néant.

Deux ans plus tôt, 10 mai 2013, François Hollande a parlé d’« Impossible réparation ». Citant Aimé Césaire, il avait alors déclaré: «Il y aurait une note à payer et ensuite ce serait fini? Non, ce ne sera jamais réglé».

Ce qui m’exaspère le plus, c’est la mauvaise foi et le déni de l’exceptionnalité du cas haïtien. Comme la majeure partie des descendants d’esclaves, je crois que la dette est en effet morale et que ces blessures demeurent vives, indifférentes aux baumes des discours et du temps. Ce serait malsain de croire qu’une compensation financière suffirait à effacer les drames et souffrances qu’ont engendrés la traite et l’esclavage.

Rappelons la situation: la révolution haïtienne est la première révolte d’esclaves réussie dans le monde moderne. En 1804, corollairement au combat combien glorieux et courageux de nos aïeux, on a repoussé héroïquement la première puissance militaire du monde de l’époque et fondé la première République noire libre du monde.

En 1825, soit 21 ans après, Jean Pierre Boyer, dans le souci d’une reconnaissance de l’indépendance acquise par la « sueur et le sang » se tournera vers Charles X qui contraindra nos compatriotes à verser à titre d’indemnisation 150 millions de franc-or à la France.

Double paradoxe puisque primo, on ne paie pas sa liberté, et secundo, cette liberté était déjà acquise. Pour obliger Boyer à signer, Charles X impose au pays un violent embargo. Acculée, la Perle des Antilles n’avait pas le poids géopolitique nécessaire pour entrer en confrontation directe avec la France.

Les conséquences de cette « dette criminelle » et l’embargo sont désastreuses pour le pays.  Instauration de la corvée. Désastre écologique. Emprunt de grosses sommes à Paris qu’il faut rembourser avec les intérêts etc. En 1838, le roi Louis Philipe réduit les indemnités à 90 millions. Elle est soldée en 1883.

Lorsque nous haïtiens, petites filles et petits-fils d’esclaves parlons de remboursement, ce ne sont pas des torts évidents que la traite, l’asservissement, l’humiliation ont faits à l’humanité dont nous parlons, mais plutôt de cette « dette de la honte » infâme et inhumaine qu’on nous a forcé à payer.

Aimé Césaire ne voulait pas, à raison, entendre parler de compensation à propos de l’esclavage.  Les souffrances et humiliations qu’ont subies nos ancêtres et l’humanité ne sauraient en effet être monnayées.

Cependant M. Hollande, la dette de 1825 de la France envers Haïti en question n’est pas une réparation pécuniaire contre l’esclavage, elle est purement financière. L’obligation morale envers Haïti et les autres pays à jamais marqués des séquelles de l’esclavage peut toujours être reconnue; la contrition honore votre pays! Quant à l’argent versé sous le chantage pour une prétendue indemnisation, il n’est pas moral, cher président, il doit être « restitué »: 17 milliards d’euros. RENDEZ NOUS NOTRE ARGENT!

Widlore Mérancourt est éditeur en chef d’AyiboPost et contributeur régulier au Washington Post. Il détient une maîtrise en Management des médias de l’Université de Lille et une licence en sciences juridiques. Il a été Content Manager de LoopHaïti.

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