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M’as-tu vu?

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Je suis cette fille jolie, dans la vingtaine, accro aux réseaux sociaux. Je poste au moins dix photos par jour pour exposer ma vie privée. Tout y passe : mon réveil, mon petit déjeuner, mon bain, ma première sortie de la journée,  où je vais, ce que je vais y faire, les personnes avec qui je sors….Mon Dieu, que serais-je sans mon smartphone ? Je cumule les « amis ». Actuellement j’en ai 5000, et j’ai environ 1200 demandes que je n’ai pas encore traitées. Vois-tu, la plupart de ces requêtes sont de la part de mecs, qui se croient trop canons, et qui voient en moi leur prochaine victi…conquête, bien qu’ils aient déjà une copine, une fiancée, ou une femme.

Ça ne me gêne pas, au contraire. Des fois, j’envoie des demandes à ces messieurs, qui s’estiment trop heureux et chanceux pour ne pas accepter. Ils m’écrivent tous dans la seconde, prononçant un cool « salut » ou « hi baby » comme si j’allais les répondre. Ce qu’ils ne saisissent pas ces messieurs, c’est qu’ils ne sont là que pour liker mes photos, mes publications sur mon journal, et me complimenter dans la section commentaire. Si jamais l’un d’entre eux, qui compte pour moi ne réagit pas, je lui écris en privé pour lui demander une explication. C’est impératif ! On ne joue pas avec ça !

Je devrais peut-être passer moins de temps  sur Facebook, et plus de temps dans mes livres…Après tout mon carnet n’est pas si fameux que ça…Mais bon, pourquoi se gratter la tête ? Je me rattraperai bien assez tôt. Et puis, ce n’est pas de ma faute, j’ai toujours eu un faible pour les like, les like, les like !!!!!

M’as-tu donc vu ?

Je suis ce politicien, « chef », dans la quarantaine avancée, l’ultime « pa te kwe ». Ce n’est pas de ma faute. J’ai toujours aimé les belles voitures, les mulâtresses, mais le milieu d’où je viens ne m’y avait pas donné accès. Ce n’est pas de ma faute si je ne respecte rien, car je suis un chef, j’ai droit à tout. Ce n’est pas de ma faute si je ris à gorge déployée, si je parle très fort, si je conduis à cent mille à l’heure.  Ce n’est pas de ma faute si je ressens le besoin de passer ma sirène pressé ou non, car j’ai plus de droits que les autres contribuables patientant dans la longue file. Ce n’est pas de ma faute si je ressens le besoin de laisser ma voiture en marche pendant que  je suis assis avec quelques amis dans le bar d’en face, à m’amuser  alors que je devrais être à une réunion, ou à une séance quelque part. Bien sûr, ma réserve de carburant finit plus rapidement ainsi.  Mais pourquoi se tracasser ? La facture, je ne la paie pas avec mon argent. Je le fais avec  celui du contribuable, qui passe devant la voiture en secouant la tête, se demandant si le pays ne changera pas. Pourquoi me préoccuper du système éducatif ? Ma famille vit à l’étranger.

Pff.

Plus tard, je draguerai des adolescentes, des filles de parents qui n’ont pas les moyens financiers de me dire non. Qu’importe si c’est de la pédophilie : que ferais-je avec des vieilles de 26 ans ?

Et bien sûr, je passerai prendre mon chèque à chaque fin de mois, pour avoir bien travaillé et rendu service à mon pays. Sans oublier les petits pots-de- vin, les prélèvements…personnels dans les budgets, les raket… Y’a-t-il meilleur citoyen que moi ?

Ne m’as-tu jamais vu ?

Je suis cet individu dans la trentaine, faisant un minimum qui passe pour un maximum dans certains cercles. Je suis peut être chanteur, animateur, investisseur, entrepreneur, peut être tout à la fois…. Je ne rate jamais l’occasion de dire au monde que mon opinion est la meilleure, que j’ai toutes les connaissances qu’il faut. De ce fait, je n’ai jamais une très grande estime pour l’avis des autres. Ont-ils le même savoir que moi ? Ont-ils réalisé autant de magnifiques choses que moi ? Personne ne doit me rappeler d’où je viens. Pourquoi est-ce nécessaire ? J’ai une voiture. Je sais chanter les chansons des autres. Je parle à la radio ou à la TV dans mon émission qui est TRES TRES écoutée. Pourquoi aurais-je de la considération  pour les autres ? Je serai prêt  à dépenser une fortune dans un billet d’avion, juste pour pouvoir publier mes jolies photos de vacances sur les réseaux sociaux (les like, les like), même si par la suite, je n’ai plus un sou. Voilà pourquoi toutes les femmes devraient se jeter dans mes bras. Je ne comprends pas pourquoi elles se fâchent quand je les invite très gentiment à coucher avec moi deux jours après que je les ai rencontrées, ou que je leur demande des photos sexy alors que nous sommes à peine des connaissances. C’est moi la bombe n’est-ce pas ?

Eh bien, quoi ?

Ne m’as-tu donc jamais vu ???

La rédaction de Ayibopost

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