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L’Hôtellerie-Restauration en Haïti, un secteur en pleine activité

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Il y a une vingtaine d’années, dire à ses parents que l’on fait le choix de l’hôtellerie-restauration comme carrière était presqu’impossible. Les métiers traditionnels étaient privilégiés parmi les champs d’études des jeunes finissants. Aujourd’hui, avec l’explosion des établissements hôteliers et de restauration sur le marché, de nouveaux métiers voient le jour et nombreux sont ceux qui empruntent cette carrière… Jean-Paul GUILLOBEL, Hospitality & Event Marketing Consultant en Haïti, vous parle de ce secteur qui ne fait qu’évoluer.

Quand j’ai décidé de choisir l’Hôtellerie-Restauration comme carrière, ce fut le drame dans ma famille. Autant ma mère me supportait dans cette direction, autant d’autres membres très proches furent intensément réfractaires à cette décision. Toutes les raisons furent bonnes pour me décourager à poursuivre ce chemin : « Tu n’as pas d’hôtel et tu veux faire de l’hôtellerie ? », « L’hôtellerie est un métier à vice », « L’hôtellerie ne rapporte pas aux employés », « Tu n’as pas de vie sociale quand tu travailles en hôtellerie » ; autant de commentaires qui m’ont été servis. Grâce au support et à l’appui de ma mère, j’ai eu la chance de faire des études de Gestion Hôtelière et Touristique au sein d’une Ecole de Commerce réputée de France.

Peu après mon retour, j’ai pu assister de 2011 à 2014 au travail colossal entrepris par le gouvernement afin de remettre Haïti sur la carte touristique. Plusieurs destinations touristiques de l’île ont été réaménagées pour mieux recevoir une clientèle cosmopolite. Les efforts et les réalisations sont très sérieux. Afin qu’ils soient durables, ils nécessitent un suivi dans le temps. Nous espérons que les gouvernements à venir, maintiendront le tourisme comme un pilier de leur politique gouvernementale, car il demeure primordial que l’Etat haïtien investisse dans ce secteur porteur pour l’économie nationale.

Alors que la génération X ne considérait pas l’hôtellerie comme un choix de carrière aujourd’hui, la génération Y considère l’hôtellerie de plus en plus. En effet, de nos jours, bon nombre de jeunes choisissent cette filière. Nombreux sont ceux qui vont étudier la gestion hôtelière en République Dominicaine, pays proposant des formations intéressantes à coûts abordables. Une quantité embryonnaire d’étudiants, choisit l’Europe qui offre les formations les plus réputées. D’autres vont aux Etats-Unis pour des études axées notamment sur l’art culinaire. En Haïti, la formation est moins étoffée, néanmoins il existe diverses structures fournissant ce genre de cours. Toutefois, les hôteliers ne sont pas encore tout à fait satisfaits des prestations. Il reste encore beaucoup d’améliorations à implémenter au sein de ces institutions. Si parfois la théorie est bancale, la pratique quant à elle est peu qualitative.

Aujourd’hui, le marché haïtien dispose d’une panoplie de jeunes professionnels ayant eu accès à des formations internationales de qualité. Cependant, la réalité du secteur est complexe :

  • La frustration en relation aux structures existantes toujours très conventionnelles, souvent en retard par rapport aux réalités internationales et pas assez ouvertes à la créativité et au modernisme.
  • Les salaires peu compétitifs et les avantages sociaux presque inexistants par rapport aux autres secteurs d’activités.
  • Les horaires de travail trop longs pour une rémunération figée des employés.
  • L’organisation familiale de certaines structures limitant l’évolution dans la hiérarchie professionnelle.
  • Les membres de la direction générale au sein des groupes familiaux souvent issus de la famille tandis qu’ils viennent de l’étranger au niveau des chaînes internationales.
  • Le management incombant à des locaux dans les groupes familiaux tandis que dans les chaînes internationales, les étrangers sont privilégiés.
  • Souvent, les managers choisis dans les chaînes internationales ont déjà une expérience au sein des hôtels de la chaine et par conséquent, ont l’habitude de la méthode de travail utilisée. Ces derniers se révèlent parfois inadaptés au contexte fort complexe du micromarché et de la main d’œuvre. Ces managers internationaux se plaignent du manque de préparation professionnelle de la main d’œuvre haïtienne. Ils affirment qu’il est difficile d’appliquer des standards internationaux avec des employés non formés ou mal formés. De plus, les managers étrangers font souvent face à la barrière de la langue.
  • La clientèle haïtienne se plaint souvent des établissements internationaux qui concoctent une cuisine ne correspondant pas à leur culture culinaire. Dans le futur, les chaînes internationales verront la nécessité de fournir des services également plus adaptés à la réalité du marché.
  • Il faut cependant rappeler que la clientèle locale et même celle venant de la diaspora apportent quand même des revenus non négligeables en consommation au restaurant, en évènementiel (conférences, mariages, évènements « corporate »). C’est également cette clientèle qui continue tant bien que mal de fréquenter les établissements lors des problèmes politiques, etc. Et, nous savons qu’Haïti subit toutes les décennies, des troubles socio-politiques aigues.
  • Le manque de formation professionnelle de différents protagonistes du secteur, qui majoritairement ont appris sur le tas et qui, parfois gardent des réflexes non adaptés à la mondialisation.
  • Certains grands groupes familiaux préfèrent traiter avec des haïtiens, ce qui leur permet de fournir un service pouvant répondre tant aux réalités locales, qu’aux réalités internationales.
  • Le copinage dans l’attribution des postes est fort courant, emportant souvent  l’incompétence des gens détenant le dit poste.
  • La gestion de la clientèle est parfois faite avec difficulté.
  • Le snobisme de certains managers est parfois décrié par la clientèle en provenance de la diaspora et de la classe moyenne.
  • La gestion même des plus grandes structures en PME.
  • Pour le moment les métiers au sein du secteur qui sont les plus considérés, recherchés et mieux payés sont les postes de : Chef Cuisinier, Food & Beverage Manager, Event Manager (difficile à trouver les professionnels capables d’assumer ce poste)
  • La tendance de la clientèle à être attirée par le « tout nouveau tout beau » et celle de tout aussi vite se dé-fidéliser.
  • Les compressions de la masse salariale souvent considérables pendant les premiers mois d’ouverture d’un hôtel et durant les saisons de crises économiques.

Il est clair que l’ouverture de nombreux établissements au mobilier moderne et de dernier cri amplifie la compétition dans le secteur. Il est tout autant intéressant de constater une croissance du taux d’études affiliées au dit secteur.

 Aujourd’hui, le travail de fond relatif à la formation doit être entrepris : il est important que l’État haïtien fasse du cursus touristique une priorité. Il est indispensable de mettre sur place des structures touristiques efficientes. Enfin, tous les acteurs doivent s’assurer de la « qualité » du « service » afin de ne point décevoir la clientèle et de maintenir les meilleurs standards.

Rappelons que cette industrie contient différentes ramifications, pouvant favoriser l’essor de différents types de métiers et d’entreprises connexes. Le secteur du tourisme est voué à un bel avenir, si l’intégration des populations locales et le caractère durable du tourisme, s’allie à l’impératif de stabilité socio-politique du pays. Longue vie au tourisme !

Jean-Paul GUILLOBEL

jeanpaulguillobel@gmail.com

Consultant en Marketing Hôtellier et Évènementiel, Jean-Paul a fait des études de Gestion Internationale de l’Hôtellerie et du Tourisme à l’Institut Vatel Nîmes, France (www.vatel.fr), il est également détenteur d'une Certification en Réseaux Sociaux. Amoureux de l’art en général, Jean-Paul a suivi des cours de peinture durant son adolescence avec le célèbre peintre TIGA. Amoureux de la littérature française et haïtienne, il a été influencé par celles-ci. Il apprécie l’esprit novateur des auteurs contemporains haïtiens et étrangers.

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