POLITIQUE

L’haïtien en transit en Haïti

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Lorsque Christophe Colomb « découvre » la terre d’Ayiti en décembre 1492, il est fort probable que d’autres étrangers, des vikings et des japonais notamment, l’aient déjà abordée bien avant lui. Toutefois c’est avec le navigateur espagnol, que ces contrées du « Nouveau Monde » rentrent dans le patrimoine des terres connues. S’en suit alors l’un des chocs de civilisations les plus importants de toute l’histoire de l’Humanité.

Colomb et ses compatriotes sont accueillis chaleureusement par Guacanagaric, le cacique du Marien (Nord de l’ile), champion de l’amitié entre les peuples et de paix. Malheureusement, cette confiance se trouva très rapidement trahie. La suite de l’histoire est tragique. Rapidement, les intentions des colons changèrent à l’égard des Tainos indigènes, réduits au rang d’esclaves. De meurtriers conflits s’ensuivirent qui causèrent l’extermination totale de cette civilisation, la plus ancienne des Caraïbes.

Les autochtones décimés, les Colons exploitèrent l’île en organisant, dès le XVIème siècle la traite des esclaves noirs, déportés d’Afrique. Au XVIIème siècle, aiguillonnés par le cardinal de Richelieu, les Français remplacèrent les Espagnols sur la partie Ouest de l’île, la future Saint-Domingue.

Ces esclaves noirs venaient de différentes tribus du continent africain. Etant considérés comme de simples marchandises, ces hommes et ses femmes étaient revendus aux plus offrants et passaient souvent d’une plantation à une autre et même d’une colonie à une autre. Les malheureux pouvaient passer de Saint-Domingue à la Guadeloupe, de Guadeloupe à la Martinique et même de Saint-Domingue à la Louisiane. Ils étaient en transit.

« Plus que la deuxième plus ancienne république du Nouveau Monde, fait remarquer l’anthropologue Ira Lowenthal, plus même que la première république noire du monde moderne, Haïti fut la première nation libre d’hommes libres à apparaître dans la constellation naissante des colonies européennes d’Occident, tout en leur résistant. »

Plusieurs siècles après et malgré toutes ces pages glorieuses, l’haïtien reste toujours en transit dans son propre pays. Dès son plus jeune âge, il rêve de partir, de s’envoler pour retrouver les plages de la Floride ou les rues bondées de Brooklyn. Et ce même s’il n’a aucun proche dans ces pays. Bien plus qu’un rêve, il s’y croit prédestiné. A défaut, il pourrait se contenter de la République Dominicaine ou d’autres nations de la Caraïbe à peine plus grandes que l’ile de la Gonâve ou encore, puisque c’est dans l’air du temps, du Brésil.

Et ce, qu’il s’agisse des plus vulnérables ou des plus fortunés. Ces derniers ayant d’ailleurs le goût de l’étranger, pour beaucoup (mais pas tous, il ne faut pas généraliser !) regardent Haïti, comme la terre de tous les maux.

Et puisque tous sont en transit, les rues peuvent être sales, remplies de détritus. On n’en a rien à foutre, on part de toute façon ! Nul besoin d’entretenir notre environnement, de le chérir, de le protéger.

Et puisque tous sont en transit, on peut piller les caisses de l’Etat jusqu’à ce qu’il n’y a plus rien. On pourra aller profiter de cet argent à l’extérieur avec nos femmes et enfants, souvent détenteurs de passeports étrangers, portes de sortie quand tout sombrera.

Et puisque tous sont en transit, Haïti, on met n’importe qui à ta tête pour te diriger. On choisit n’importe qui pour nous représenter aux plus hauts niveaux de l’Etat.

Et puisque tous sont en transit, on peut assister, sans broncher à ta décrépitude tant morale que physique.

Haïti, terre de transit, reniée par la majorité de tes fils et filles, où vas-tu ?

Social Innovator, Captain of Hope and Filmmaker. Élu Administrateur du Centre de la Francophonie des Amériques en 2010 et 2012.

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