CULTUREEN UNESOCIÉTÉ

Lettre ouverte à Frantz Duval et Roberson Alphonse

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Cher  M. Roberson Alphonse, Cher M. Frantz Duval

Me référant à l’article paru à la Une du 9 octobre, titré « Le cas Rutshelle, la violence par amour est-elle normale? », je voudrais  m’adresser à vous deux : M. Duval, responsable de cette publication et M. Alphonse, l’auteur.

Vous êtes deux éminents rédacteurs du plus populaire et du plus ancien quotidien d’Haiti. Vous en êtes deux éditorialistes, deux prestigieux journalistes. Mais saviez-vous que : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ».

Certains détails inhérents à cette publication  m’ont, pour le moins, offusqué. Sincèrement, je trouve louable que vous soulignez le point de la violence faite sur les femmes, et c’est une pratique condamnable. Néanmoins, deux aspects me font douter de la noblesse de l’acte. Le premier est le fait d’ignorer les autres commentaires autour du sujet; le second étant le fait que cet article soit à la Une. En d’autres termes, l’angle et le choix éditorial.

A propos de votre angle

D’abord, je me demande si vous condamnez la violence en général ou tout simplement la violence faite aux femmes? Nous n’avons peut-être pas les mêmes réseaux de contacts, mais « la violence par amour » n’est pas le seul sujet de l’agitation sur les réseaux sociaux et dans les débats publics.

Ainsi donc, cela ne vous fait rien que ces internautes avides de scoop sensationnels considèrent Rutshelle comme la chanteuse la moins « Chich » du HMI, la compagne la plus frivole ou le symbole haïtien de la nymphomanie ?

Cela ne vous dérange pas que Roody soit considéré comme une erreur de choix commise par Rutshelle, erreur d’ordre social; qu’il soit considéré comme un compagnon « trop bas » pour Rutshelle, qu’il ne connaisse pas sa pointure, que « Tout moun tap bwè, men se sèl li ki sou » ou  qu’il soit tout simplement considéré comme « Ti kokorat Rutshelle te pran an »?

N’est-ce pas également une forme de  violence? Ou peut-être, vous laisse-t-elle  indifférent? Je ne suis pas en train de comparer ces propos à l’acte qui aurait causé un œil au beurre noir à notre étoile, détrompez-vous. Je vous informe simplement de tout ce que vous avez soit ignoré, soit manqué dans cette vague déferlante soufflée par les fans de l’un ou l’autre de ces artistes, ou des commentateurs.

Si vous avez repris dans l’article les propos de Roody disant que « l’un frappait l’autre », cela ne semble  pas vous empêcher de trancher. Donc tout comme les milliers « d’internautes engagés » qui ont commencé à réagir suite à la publication de Roody sur Instagram, vous vous positionnez en tenant seulement compte de la publication d’une photo de Rutshelle. Acceptable pour le commun des mortels, mais décevant d’un « Journaliste ». C’est à se demander si vous ne seriez pas prêts à porter un maillot inscrit : « IAmRutshelle »… Et peut-être que certains en porteront un avec la mention : « IAmRoody ». Forts de votre expérience, vous devez savoir mieux que moi que cette pratique ne fait que donner de l’ampleur à une situation qui exige bien plus de mesures régulatrices que d’échos.

Pourquoi ce choix éditorial?

En pleine période électorale où l’asymétrie d’information sur le processus est flagrante, où des candidats de partis connus se trouvent dans le collimateur de la BLTS, où des témoignages collectifs accusent des candidats d’homicides commis lors du scrutin,  où les parents de ces victimes ne voient guère de justice au bout du tunnel, où l’avenir politique ou conjoncturel du lendemain reste opaque… A un moment où Haiti est classé 6ème  parmi les pays les plus menacés par le réchauffement climatique… A un moment où l’on soupçonne la présence d’armes à feu en quantité industrielle sur notre territoire, et pas dans les entrepôts de la PNH(Les événements du 9 août semblent corroborer cette information)… A un moment où nos compatriotes sont massivement déportés dans des conditions inhumaines, où l’assassinat de policiers devient presqu’aussi régulier qu’un abonnement « Le Nouvelliste »… pourquoi mettre l’accent sur cette histoire….pourquoi? Pourquoi se trouve-elle à la Une Messieurs? Est-ce vraiment le cadet de vos soucis?

Je ne dis pas que ces sujets ne doivent pas être traités ou que le cas que vous avez considéré est sans importance. Mais vous avez là une liste non exhaustive de sujets qui ont légitimement leur place à la UNE d’un journal qui n’est pas et n’a jamais été un organe de presse spécialisée dans la culture,  le showbiz ou les malheureuses histoires de couple.

Regrettant la tournure de cette histoire, j’estime que, malheureusement, elle draine beaucoup trop d’intérêt de mes congénères? Le nombre de vues qu’a atteint les entrevues de ces regrettés tourtereaux dépasse largement celui des entrevues avec le président de la République ou des débats de candidats ou de tout ce qui devrait les inquiéter.

Quelles sont donc vos priorités messieurs? Orienter les projecteurs vers ce qui est déjà  trop près du soleil?

Dois- je vous rappeler messieurs, que des esprits de ce pays évoluent au rythme de vos publications. Il y a des lecteurs, des jeunes journalistes, des futurs hommes de demain qui risquent de vous prendre comme modèles. Est-ce là que vous voulez les emmener? A se préoccuper à longueur de journée des histoires de couple que le commérage trivial avait déjà détruit.

Si ses amours, ses déboires ont fini en Une de Ticket comme vous l’avez si bien dit M. Alphonse, pourquoi n’avoir pas commencé la Une d’un Ticket avec cet article.

Ni l’un ni l’autre ne sont des artistes que vous avez favorisés ou mis sous les projecteurs à l’aube de leur carrière. S’ils ont eu votre soutien, c’est bien après que le public et des producteurs les aient choisis. Je vous félicite d’avoir suivi les pas du public pour ces choix, mais c’est dommage d’avoir suivi sa tendance aussi sur cette question.

Si la jeunesse s’intéresse à cela plutôt qu’a son avenir, si la jeunesse s’intéresse à cela plutôt qu’à sa sécurité, si elle s’intéresse à cela plutôt qu’aux projets de son futur dirigeant…c’est déjà une fatalité. Mais, s’il est vrai qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, je vous exhorterai messieurs à ne plus être les catalyseurs de cette dérive.

Bonne continuité Messieurs

Opinion d’un lecteur offusqué

Je suis Steeve Bazile, entrepreneur, journaliste, mais avant tout amateur de littérature. J’ai trouvé en cette dernière, un trésor surpassant toute forme d’intelligence : le bon sens. Le mien étant régulièrement aiguisé, je m’arroge donc de dire, de débattre, d’opiner, de contester, de questionner tout ce que je crois comprendre. Un érudit, dites-vous! Mais non, je ne suis qu’un profane… Le profane avisé!

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