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Les non-votants ont encore remporté les élections!

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7 haïtiens sur 10, ayant la capacité constitutionnelle de voter se sont abstenus. Ça, c’était l’an dernier. Pour la saison en cours, les résultats sont encore préliminaires, mais déjà assez éloquents. Le nombre d’abstention s’approche de 8 sur 10. Un chiffre assez élevé. Toutefois, le pays caribéen n’a pas le monopole de l’abstention électorale.

Aux toutes dernières présidentielles américaines, une importante part des citizens ont aussi snobé les urnes. Plus de 4 non-votants sur 10. L’abstentionnisme s’observe aussi dans beaucoup d’autres sociétés qui aspirent aux idéaux démocratiques. Cette tendance montre que l’abstention, aussi méconnue qu’elle puisse être, n’est pas un acte moins important que celui de voter. Les deux pratiques cohabitent et le plus souvent se tolèrent.

Cependant le dépouillement du scrutin ne peut mettre en lumière que les opinions de la partie de la population qui a choisi de voter. Pour le reste, elles ne disent pas beaucoup. Sinon elles donnent un chiffre global. Sans détail ni repères. Ce qui laisse plus de place aux suppositions et aux jugements manichéens. Là où pourtant il conviendrait mieux d’abord de sonder, d’interroger, de comprendre.

Les élections sont après tout des enquêtes. Mais face à l’ampleur des abstentions, elles font face à leur limites: elles ne peuvent pas intégrer la voix des non-votants, pourtant majoritaires. Pour combler ces insuffisances, d’autres enquêtes pourraient, à coté du processus électoral, chercher à déterminer pourquoi telle part de la population a décidé de ne pas voter. Cet exercice permettrait de comprendre cette tranche de la société occultée par les élections. Car ce trou noir, cette catégorie de non-votants, mérite tout autant d’être écouté. Dans sa diversité de tendances, de motivations et d’intérêts.

Aux élections, ce qu’il est attendu du citoyen, c’est qu’il dit son choix, son opinion sur un sujet qui devrait l’interpeller. Dans la plupart des pays à élections directes, la participation au scrutin n’est pas obligatoire. C’est donc un espace libre d’expression: pas la peine de se sentir obligé, on est aussi libre de parler que de se taire. Aussi libre d’exprimer son opinion par le vote que par l’abstention. Bien qu’il ne paraît pas aussi évident, choisir (délibérément) de se taire, quand on a le pouvoir de parler, est aussi une forme d’expression. Et dans le cas des élections, ne pas aller aux urnes peut être un acte fort de renonciation à l’invitation d’y participer.

Cela dit, qu’il vote ou pas, le citoyen est déjà dans le coup. Il demeure responsable de son choix, peu importe lequel. Et même dans l’acte de ne pas voter, le citoyen prend part toujours à une cause. Reste à savoir maintenant quelle est cette cause? De quelle abnégation, ce citoyen non votant est-il porteur? Quelle raison le pousse à se taire, alors qu’il a la parole? Contre quoi est-il en train de dire «Non»? Les raisons pour s’abstenir peuvent bien sûr être multiples, variées et confuses. Mais elles existent bel et bien. Le citoyen, on l’espère, ne va pas voter sans raison. De même, s’il décide de rester chez lui et renonce même à la possibilité de voter blanc, ce n’est pas par hasard. Cependant, par l’abstention, contre quoi s’exprime-il? Serait-ce contre l’efficacité du processus électoral? Serait-ce contre sa fiabilité? Serait-ce contre son organisation? Serait-ce contre le système qu’elles symbolisent?… Contre-quoi? Et aussi pour quoi est-il en train de se taire?… On n’en sait pas assez.

Les élections américaines ont par exemple révélé par la surprise qu’elles ont provoquée dans le monde et la société américaine qu’une partie des Etats-Unis est méconnue par les médias et les institutions de sondages. Mais les élections aussi malheureusement ne sont pas parfaites dans leurs fonction de «miroir social», de comptable, de caisse de résonance de la voix citoyenne. Car derrière le tandem démocrate-républicain, rouge-bleu, une autre partie de la population a choisi de ne pas dire son mot.

Faut-il pour autant d’emblée taxer les non-votants « d’évasion électorale»? Ou chercher plutôt à comprendre?…

Les démocraties gagneraient beaucoup à entendre ce que ces citoyens sont en train de leur murmurer.

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