EN UNESOCIÉTÉ

L’énigme du départ

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Avancer dans la stabilité n’est pas le propre de tous. Naître en certains endroits expose à l’éventualité du départ, du déracinement. Non par fantaisie mais par souci de survie. Souci de plonger ses racines dans un sol plus stable, plus riche et donc susceptible d’offrir une sève plus élaborée, un arbre plus en santé, plus utile, plus apprécié. Notons qu’ici ‘’plus apprécié’’ répond davantage à la logique qu’à la réalité. Ce n’est point parce qu’une plante est exotique qu’elle est forcément admirée. Trêve d’images, revenons à l’objet.

Les réalités historiques, géographiques, politiques et sociales se combinent parfois pour pousser l’homme à la perspective du départ. Départ d’une communauté à une autre, d’un département à un autre, d’un pays à un autre, d’un continent à un autre et même d’une vie à une autre. D’une vie où il passe de l’Etranger à l’Etrange, de l’Humain à l’Immigré. Car, depuis que les artisans de la terreur ont passé à l’offensive, depuis que la peur est le sentiment le plus partagé, depuis que l’unité exclut la diversité, depuis qu’il représente une menace potentielle face à l’emploi, une menace abominable face à la pureté des races, l’immigré n’a cessé d’être déchu de son humanité. Une humanité que sa communauté d’origine ne lui a pas reconnue et dont certaine (s) terre(s) d’accueil lui refusent la jouissance.

Parler de terre d’accueil évoque inéluctablement l’idée de frontière, d’exil, de séparation ou d’amputation. Et à considérer la grogne des jeunes professionnels haïtiens, la persistance de la crise politique, l’échec de la relève économique et le déchirement social, je crains qu’Haïti ne soit l’objet d’un vaste exercice d’amputation. Amputation du rêve des rêveurs, de l’engagement des engagés, de l’espoir des espérés et, pire, de la citoyenneté des citoyens. Haïti est à ce carrefour décisif où il saigne à blanc et qu’il lui faut du sang frais. 54 potentiels donneurs se sont présentés et se sont tous révélés incompatibles. Jamais, la jeunesse haïtienne n’a été livrée à des perspectives si controversées !

L’idée du départ est persistante, pesante chez certains, préoccupante chez la plupart et use la force des résistants. J’avoue que cette lutte ne m’est pas étrangère. Elle fait mon quotidien. Elle m’appartient et m’étreint. J’envisage aussi de partir. Partir sans crainte d’affronter le regard hostile, suspicieux, réprobateur, condescendant. Partir pour pouvoir enfin jouir des services pour lesquels je contribue. Partir pour garantir une meilleure instruction à mes enfants. Mais, à l’objection de ma conscience, je ne partirai pas. Du moins d’un espace à un autre. Je franchirai, par contre, quelques frontières. Du leadership des mots, je passerai au leadership des actes ; de la critique désengagée, je prêcherai par l’exemple ; de l’attitude attentiste, je passerai à la proactivité ; de ceux qui comptent, je passerai au rang de ceux sur qui l’on peut compter.

Dr Valéry MOISE

Valéry Moise, est un jeune Médecin très impliqué dans la société civile. Il est également Président de Diagnostik Group, une organisation à but non lucratif oeuvrant dans les domaines d'éducation sanitaire, de promotion des Droits de l'enfant, d'éco-responsabilité et du développement durable. Valéry détient un double certificat en Droit de l'Enfant de l'Université de Moncton. Il est Ambassadeur de la francophonie des Amériques, Député au Parlement Francophone des Jeunes des Amériques, Mondoblogueur et Représentant Jeunesse au sein de l'Association Francophone de Défense des Droits de l'Enfant.

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