AYIBOFANMEN UNESOCIÉTÉ

La premiere fois qu’il m’a frappé!

0

Je n’en revenais toujours pas !

Je m’étais engouffrée dans mon véhicule après avoir dévalé les escaliers à la hâte. Les mains tremblantes sur mon volant, j’appuyais sur l’accélérateur sans pour autant m’être fixée une destination. J’étais encore abasourdie par l’expérience que je venais de vivre quelques minutes plus tôt. Des larmes coulaient silencieusement sur mes joues.

Je savais ne pas être en état de conduire mais mon premier réflexe avait été de m’éloigner de lui. Et, le second de me précipiter chez mes parents, en quête de réconfort. De justesse, je me suis vite ravisée. Tout compte fait, il était plus sage de ne pas les mêler à cette affaire qui ne ferait que les alarmer pour rien. Ce n’était quand même que la première fois et puis Alexandre est un type bien. Oui, c’était mieux comme ça, je ne suis plus la fille à papa d’autrefois.

Je suis une mère et une femme mariée… avec un caractère bien trempé, comme le répétait si souvent ma grand mère. J’appartiens à cette génération de femmes éduquées et indépendantes. Celles qui ne sont pas prêtes à négocier leur bonheur pour le seul bénéfice d’être Madame Untel. Je ne suis absolument pas le genre à me laisser faire et ceci par quiconque !

Les épisodes de la scène de ce matin me revenaient à l’esprit l’un après l’autre, avec vividité, comme pour me narguer. A chaque fois, ma mémoire s’attardait sur des détails qui m’avaient échappé et qui ne faisaient qu’augmenter ma stupeur et ma confusion. J’étais maintenant secouée par de violents sanglots, les larmes m’obstruant presque complètement la vue.

Mon mari m’avait frappé ! Alexandre m’avait violemment bousculé, après m’avoir retenu durement par les poignets. Il m’avait lancé un regard noir de colère, et n’était même pas retourné sur ses pas lorsque je m’étais lourdement affalée sur le sol de notre chambre.

J’ai retenu le cri qui déchirait ma poitrine en tombant, mais cela n’a pas empêché à ma fillette de six ans d’accourir à moi. Elle avait dû entendre nos voix s’élever alors qu’on la croyait impassible et fascinée par les personnages de ses dessins animés préférés, défilant sur le petit écran. Elle m’a jeté un regard inquiet, et m’a interrogé en chuchotant: « Maman, qu’est-ce que papa t’a fait ? ». Je lui ai souri et lui ai répondu : « Mais non, j’ai glissé ma chérie ».Je sais qu’elle ne m’a pas cru !

Alexandre était un amour pourtant,  je dirais meme sans exagération aucune, qu’il était un modèle de patience et de magnanimité. Le sujet de notre dispute était si banal que je trouvais sa réaction disproportionnée. Non qu’un différend plus grave aurait justifié son comportement, mais j’étais de ce fait doublement surprise. Qu’est-ce qui avait bien pu susciter chez lui cet excès inhabituel ?

Il est vrai qu’il était assez tendu ces derniers temps, et qu’il traversait des déboires au niveau professionnel. Je n’aurais pas dû le saouler une énième fois avec mes litanies de reproches.

Je me suis rappelée de mes prises de position enflammées dans ma jeunesse quant aux violences conjugales. Rien ne saurait excuser la violation de l’intégrité physique de l’autre. J’avais toujours eu de la condescendance pour ces femmes qui se résignaient à avaler passivement les brutalités de leurs conjoints. J’étais certaine que la femme que j’étais ne serait jamais confrontée à une telle situation. Et même, dans une telle éventualité, malheur à celui qui oserait me frapper. Je rendrais coup pour coup et je divorcerais sur le champ…

Néanmoins, je ne pensais ni divorce ni représailles… Je devais assumer ma  part de responsabilité dans cet incident. J’ai tenté de le forcer à m’écouter en lui barrant le passage alors que visiblement mes paroles  le provoquaient. Mon mari n’est pas un homme violent…

Je souhaitais juste qu’il ne m’ait jamais frappé, qu’il le regrette amèrement, qu’il s’excuse simplement sans tout le tralala des psychopathes vous offrant fleurs, bijoux et faisant mille promesses.

Je ne comptais pas rentrer à la maison avant de longues heures. Le temps qu’il se morfonde assez et qu’il soit prêt à faire amende honorable. Je suis sure qu’il ne recommencera plus. Il m’aime… Nous nous aimons !

C’est décidé, je n’en parlerai à personne. Je ne supporterais ni les jugements ni les conseils bienveillants de la famille ou d’amis proches. Je sais surtout que même si je lui pardonnais, mes parents lui garderaient rancune. Il fallait qu’au plus vite cet événement déplorable soit effacé  de nos vies.

Mon téléphone vibra, me tirant de mes réflexions. Un véhicule derrière moi essayait en vain d’attirer mon attention en m’imposant le bruit strident de son avertisseur. Je baissai la tête et jetai un œil sur l’écran du téléphone, c’était inscrit « BB »… ce qui me força à me garer pour laisser passer cet imbécile derrière moi, visiblement dérangé par ma conduite erratique. Quand je regardai dans mon rétroviseur, je me rendis compte que c’était lui l’imbécile! Il descendit promptement pour venir à ma rencontre, le visage consterné.

Je ne doutais pas que mon Alexandre me vouait un amour sincère,  cependant il était humain avant tout. Il mérite bien une seconde chance, non?

Très attachée à mon cher pays, je demeure une personnalité ouverte, qui à travers sa profession de juriste et son implication au sein de diverses organisations soutient le projet du renouveau d’Haïti.

Comments

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *