EN UNESOCIÉTÉ

Je suis Haïtienne et vous ?

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Il est inconcevable de penser que dans un Etat de droit, les règles juridiques régissant la société soient inconnues de la grande majorité des personnes qui y sont assujetties. Et pourtant, c’est le constat que nous pouvons faire dans notre pays. En effet, en Haiti, il est rare de trouver des personnes réellement au courant de leurs droits et respectant leurs devoirs, légalement parlant, à moins d’être de la profession — c’est-à-dire juriste, avocat, notaire — ou de faire partie d’une certaine élite. Et même là encore, il ne s’agit que de quelques exceptions et ne se rapporte qu’à quelques pratiques usuelles, telles que payer la DGI ou l’assurance-véhicule.

Par ailleurs, les employés des institutions chargées de fournir les services, eux-mêmes fort souvent, ignorent ces règles ou ne les appliquent pas, soit par ignorance de leur existence, soit par habitude. Ou simplement, parce que les choses se font ainsi.

En ce qui concerne la justice… « Quelle justice? » vous diront certains. Et l’on ne saurait les blâmer. Après tout, qui oserait dire que le pouvoir judiciaire haïtien se porte bien? Nous ne faisons pas référence uniquement à ce poison qu’est la corruption pour toute la chaîne judiciaire et politique en général, mais également à son efficacité, voire même la compétence de certains de ses membres. Comment rendre la justice si ceux qui doivent la mener à bien dérogent à la règle normative ou sont mal imbus d’elle? A votre avis, qui devrait montrer l’exemple?

Comment alors demander au simple citoyen de les respecter ?

Oui, il est vrai que l’on parle d’Etat de droit mais on a l’impression que celui-ci n’existe réellement que dans les livres. Si les entités chargées de faire appliquer la loi ne sont pas en mesure de le faire, comment le citoyen lambda peut-il espérer que justice soit faite si ses droits peuvent être lésés de quelque manière que ce soit? Pourquoi ferait-il confiance à ce système? Nul besoin non plus de faire l’effort de connaître les lois qui au final ne lui serviront à rien. C’est ce qu’il se dit.

Dans cet état d’esprit, que dire du civisme? Eh bien, il est en voie de disparition. Passer dans les écoles à l’heure de la montée du drapeau et vous verrez. Et si vous n’êtes pas convaincu, faites les nouvelles, il y aura quand même un événement de l’actualité qui vous interpellera. Et si vous préférez le contact humain, demandez autour de vous, recherchez cet esprit d’appartenance à la nation. Vous trouverez certainement un pourcentage plus élevé possédant le désir d’abandon de la patrie. Situation ironique  et triste à la fois!

Mais d’un autre coté soyez vigilant, détrompez-vous, ne vous laissez pas abuser par les faux-semblants, ces fossoyeurs qui se prétendent nationalistes, et disent agir pour la démocratie et la liberté, alors que leur discours et leurs actes sont empreints de violence.

Le patriotisme n’est pas le fait de manifester dans les rues tous les jours, d’empêcher la circulation des véhicules par des barricades de pneus enflammés, ni le vandalisme des voitures et des établissements commerciaux. Ce n’est pas le droit au désordre. L’amour de la patrie ne va pas de pair avec le brigandage. C’est purement et simplement de l’anarchie.

Aujourd’hui, tout se fait au nom de la sainte démocratie! C’est un concept bien mal compris en Haiti, et c’est peu de le dire. La démocratie se base sur le respect des normes et de l’application des principes démocratiques. Faisons une petite analyse, du basique :

* La séparation des trois pouvoirs : l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Malheureusement, les deux premiers passent leur temps à se chamailler, l’un cherchant à prendre le contrôle sur l’autre au lieu de faire leur boulot. Et le petit dernier, laissé à l’abandon, essaie tant bien que mal de se faire une place dans la famille. Alors qu’ils devraient tous travailler main dans la main, dans les limites de leur pouvoir respectif.

* La règle de la majorité lors des élections : le peuple exerce sa souveraineté dans les urnes. Il n’y aura qu’un seul gagnant. Celui ou celle qui récolte la majorité. Chez nous, tout le monde veut gagner, non excusez-moi, tout le monde a gagné. « Pèp la vote » tel est le discours. A se demander s’il y a plusieurs peuples lors des élections. On aimerait leur dire, bien sur que le peuple vous a voté, nous n’en disconvenons pas, mais le peuple a aussi voté les autres ! Dommage, chez nous, les politiciens refusent la défaite. Pourtant, la démocratie, c’est accepter que l’on soit aussi le perdant.

* Le pluralisme politique : on a dit plusieurs partis politiques et pas une ribambelle ! Il faut se regrouper selon les idéaux et non pas ses intérêts. Passez au dico, vous verrez la différence !

* Le recours contre l’excès de pouvoir : il faut agir dans les limites de ses pouvoirs, autrement vous aurez à en répondre par devant les instances concernées. Dommage que ce ne soit que sur le papier. En Haiti, quand vous travaillez dans le public, la plupart du temps, ceux qui ont un poste élevé ne respectent pas les normes. « Mwen se chèf, chèf fè sal vle ou paka di way ». Quel recours reste-t-il au citoyen? Le silence et l’acceptation.

* Le respect des libertés : comme par exemple la liberté d’expression et le vote. Mais il y a des limites prescrites par la loi, et ceci sans porter préjudice à autrui. Pour une bonne cohésion entre tous, devinez ce qu’il faut faire ? Encore notre amie la loi.

Alors vous voyez, liberté ne signifie pas que l’on peut faire tout ce que l’on veut. Il y a des règles à respecter. Et il faut accepter que les droits de l’un ne peuvent empiéter sur ceux de l’autre.

Bon nombre de politiciens haïtiens ont jusqu’ici démontré une forte habileté à la démagogie. Mais nous ne sommes pas dupes. Et vous, ne le soyez pas non plus. Il faut cesser ces pratiques destructrices qui ne mènent qu’au chaos et à la ruine de ce pays. Cessons de laisser le champs libre aux manipulateurs le soin de nous diriger et de régenter nos vies.

Nous connaissons la vérité, alors ne leur faisons plus croire que nous buvons leurs paroles ou que nous manquons de discernement. Faisons honneur à ceux qui nous ont donné le pain de l’instruction et à ceux qui ont fait des sacrifices pour cela.

Sòt ki bay, enbesil ki pa pran. Fòk nou sispann bay piyay !

Agissons pour notre Haiti Chérie, en interrompant ce cercle vicieux, en renversant ce régime anarchique, en combattant ce cancer qui nous ronge de l’intérieur, en soignant cette plaie béante avant sa putréfaction, en guérissant nos vieilles blessures, en nous débarrassant de ces rancoeurs  coloniales qui enchaînent nos esprits, en libérant nos coeurs de ces fardeaux antiques qui ne valent plus la peine.

Faisons fi de tout ce qui nous empêche d’avancer, c’est notre peur de les confronter qui conforte la perfidie de ses vils profiteurs et leurs agissements subversifs.

Il est là le début du changement. Il est là, le sens du patriotisme, l’esprit du nationalisme, et l’essence même du civisme. Prenons en main notre destin de peuple.

Dès aujourd’hui, soyons Haïtiens !

#JeSuisHaitienne

Viannye Ménard 

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