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Haïti: Saison des pluies

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Depuis l’annonce des élections, une pluie de candidats déferle sur toute l’étendue du territoire haïtien. Des organisations et regroupements politiques poussent comme des champignons. Je ne m’attarderai pas sur les candidats, je vous parlerai plutôt de la pluie, plus précisément de la saison des pluies qui commence. Aux Cayes, il a plu toute la matinée du 13 Avril. Et aussi, les semaines passées, pratiquement tous les soirs à Port-au-Prince. Eu égard à la sécheresse qui fait perdre tant de récoltes dans les plaines, J’ai pensé un moment que cette pluie pourrait en fait être une bénédiction, tout comme certains pensent que la pluie de candidats constitue un acquis démocratique.

Je suis une « pluviophile »: j’adore la pluie. Rien ne me calme autant que l’odeur de la terre quand les premières gouttes de pluie s’y infiltrent, pour le plaisir de mes narines. Les scientifiques utilisent le terme « pétrichor » pour nommer cette substance contribuant à l’émanation de cette odeur typique de la terre après la pluie. Je préférerais une approche plus romantique et créative. J’imagine que les gouttes de pluie vont réveiller une petite fée noire qui dort sous la terre. Elle adore la pluie et dans sa joie, elle répand cette odeur qui nous enchante. Je ne suis plus une enfant. Je sais que la saison qui s’amène en Haïti n’a rien d’un conte de fée.

J’ai appris que la peur de la pluie est un trait commun aux haïtiens. Un chauffeur d’autobus m’a dit, à titre d’exemple, que les haïtiens ont beaucoup plus peur d’elle que des projectiles. Personnellement, je ne supporte pas l’idée que mes pieds puissent patauger dans les eaux usées traînant tous les détritus des rues de Port-au-Prince. Je vous dirai donc que j’adore la pluie quand je suis chez moi mais je la déteste quand elle me surprend ailleurs que dans ma chambre. Je la déteste aussi quand après m’être endormie en écoutant son bruit apaisant, je me réveille pour apprendre sur les ondes que la pluie que j’ai littéralement dégustée la veille, a fait des morts.

Je ne suis pas la seule à entretenir cette relation compliquée avec la pluie. Des milliers de planteurs l’attendent  avec impatience chaque année car ils n’ont toujours pas accès à des systèmes d’irrigation, mais dès qu’elle est là, ils s’en plaignent. La nature est capricieuse, elle n’en fait qu’à sa tête, elle ne se plie pas aux exigences des planteurs, encore moins à celles des entités responsables. Pauvres planteurs! Ils ont besoin d’eau pas d’un déluge. Le comble  c’est qu’avec les averses viennent les épidémies de choléra, typhoïde, dysenterie etc.

Il va pleuvoir plus régulièrement les mois à venir et ces intempéries causeront des pertes en vie humaines et biens matériels. Il est encore temps de sensibiliser les populations à risque. Mieux vaut prévenir que guérir. S’Il n’y a plus rien à faire face à la pluie des candidats, nous pouvons prévoir les conséquences de la saison pluvieuse 2015 et adopter les mesures nécessaires pour en mitiger les dégâts.

Emmanuela Douyon est une spécialiste en politique et projets de développement. Elle a étudié à Paris-1 Sorbonne en France et à l’université National Tsing Hua de Taïwan. Emmanuela a travaillé dans plusieurs secteurs en Haïti. Elle est fondatrice du thinktank Policité et offre des consultations stratégiques en gestion et évaluation de projets. Outre ses activités professionnelles, Emmanuela est une activiste luttant contre les inégalités et la corruption. Elle intervient souvent dans les médias pour commenter l’actualité et analyser des questions économiques.

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