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Haïti, la république des sauve-qui-peut !

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Toute société est composée d’acteurs sociaux et d’institutions qui interagissent en vue de son fonctionnement. Elle est caractérisée par une association organisée en vue de l’intérêt général. En Haïti, pour des raisons que nous ignorons, les dirigeants ne sont pas toujours intéressés par l’intérêt général et les institutions sont toujours vassalisées.

La politique est une activité essentielle sinon indispensable à toute société. Elle a pour objet la gestion de la cité à travers des mécanismes institutionnels. Elle participe de l’effort de civilisation qui tend à rompre avec le barbarisme pour une organisation harmonieuse des différentes forces de la société. Pris dans ce sens, la politique vise le bonheur de tous. Mais ici, sachez-le bien, nous sommes en Haïti. « WELCOME TO HAITI » : le pays des sauve-qui-peut.

 L’histoire nous montre que les politiciens haïtiens n’ont jamais servi les causes d’intérêts généraux de ce pays. Il leur est plus facile de se servir de l’État à leurs fins personnelles que de se servir de l’État pour les services de la cité. Le passé, et par un constat déconcertant le présent du pays sont tissés de luttes acharnées pour le pouvoir politique. Par ailleurs, les expériences montrent que ces luttes pour le pouvoir sont plutôt motivées par l’appât du gain que par la volonté de servir l’intérêt commun. Cet intérêt commun est souvent relégué à l’arrière-plan au profit d’une minorité qui cherche tour à tour à détenir l’oligopole du pouvoir et de l’avoir. Pour gouverner, ils s’empressent, nourrissent une instabilité politique chronique.

Mis à part tous les torts causés à Haïti par certains pays, il est incontestable que si Haïti se trouve aujourd’hui dans ce piteux état, une grande part de cette responsabilité incombe à ses dirigeants. Les dirigeants haïtiens, si c’était bien leurs motivations, ont failli à la fourniture de services sociaux aux citoyens. Pas de système éducatif efficace, pas de système de santé, pas de politique énergétique adaptée, pas de centres universitaires publics adéquats. Ici, le pouvoir ne s’entend pas comme la possibilité d’agir pour améliorer le sort des autres. L’État devient pour ces derniers un terrain fertile pour faire fortune. L’État est cette source pour tous ceux désireux d’étancher leur soif de richesse. Aujourd’hui, il parait même que nous sommes arrivés au point où il semble impossible de refréner cette chute libre vers le chaos.

Il est évident que les dirigeants haïtiens sont médiocres (ce qui semble d’ailleurs demander une réflexion à part entière) et ne disposent pas des aptitudes à diriger le pays. À force d’assister aux multiples scandales des élites politiques, nous pouvons confirmer qu’ils sont piètres et sans caractère. Crise électorale, insécurité criante, pauvreté, analphabétisme élevé en Haïti, la liste est longue et c’est le moins qu’on puisse dire, au vu de l’état de ce pays.

L’avenir est encore plus inquiétant, puisque dans la course, ce ne sont plus les pseudo-intellectuels sont en lice. N’était-ce pas scandaleux et avilissant, les élections de 2010 qui portèrent à la magistrature suprême, ce réputé musicien ? La campagne électorale de 2015 peut revêtir les mêmes qualificatifs. 54 candidats pour le poste de président ! Au sénat de la république nous avons des élus qui y sont parvenus que par accointance, par ignorance ou résignation des électeurs. La nouvelle vague des élus de 2015 a porté aux plus hautes sphères de l’État des pseudo-leaders…

Ces dirigeants sur lesquels nous portons nos choix montrent clairement que notre bien-être de peuple n’est même pas le cadet de leurs soucis. La méthode avec laquelle ils accaparent le pouvoir puise sa source dans l’immoralisme. Ils s’arrangent à bien formuler quelques slogans de manière à plaire au peuple, à lui dire ce qu’il veut entendre afin d’arriver à leurs objectifs personnels. « Tèt kale, pitit Petyon/pitit Desalin, Ayiti pa p peri, Ayiti ap vanse, bon bò a, nèg banann nan, etc. » Ces slogans et tant d’autres sans substances, on en a beaucoup reçu ces dernières années. Le peuple, de son côté, se résigne et continue à digérer discours et promesses vides.

Nous voyons clairement (ou pour mieux dire, ceux qui ont la capacité de le voir) que les errements de nos élites prouvent à quel point elles sont incapables de donner les bonnes directives au peuple haïtien. Elles contribuent à laisser patauger le peuple dans les eaux boueuses du sous-développement et de la médiocrité pendant plus de deux siècles. Or, il y a de cela deux siècles et une décennie que de valeureux êtres humains (fils d’esclaves, esclaves, incultes pour la plupart) épris d’humanisme, avaient accepté de se sacrifier pour laisser en héritage cette perle, « l’État d’Haïti » aux générations qui ont suivies. Vu ce qu’on en a fait, accordons-nous sur le fait qu’on n’offre pas des perles aux porcs !

Jeff Albert

Image: Steve Cutts

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