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En finir avec l’infériorité numérique

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On ne saura jamais comment le match se serait terminé si Guillermo Cuadrado, le milieu-attaquant de la Colombie, le meilleur de son équipe vendredi soir contre le Brésil au Sun Life Stadium de Miami n’avait pas été pas expulsé pour un second carton jaune. Peut-être que le but splendide de Neymar aurait été réalisé quand même. Peut-être pas. Peut-être que Cuadrado aurait aidé Falcao à peser davantage sur le match quand il est entré à 15 minutes de la fin. Peut-être aussi que le Brésil aurait marqué un second but! Les affaires des hommes sont si souvent irrationnelles que la prospective aura beaucoup de mal à s’élever indiscutablement à la hauteur d’une science réelle.

La certitude, c’est que le match, manifestement équilibré jusqu’à cette 52e minute de l’expulsion de Cuadrado, bascula vers une domination tout aussi manifeste du Brésil. On pouvait alors raisonnablement pronostiquer au moins un but en faveur du Brésil. Et pousser le risque plus loin en prédisant que ce but devait être marqué par Neymar ne relèverait point de la magie, car en plus de la réputation déjà bien assisse du jeune brésilien, il sortait une prestation remarquable, poussant ses adversaires à la faute, accélérant, dribblant, passant dans la profondeur, tirant au but…

Face à Neymar, Cuadrado exprimait son savoir-faire avec moins de clinquant, mais avec plus de variété. Sa prestation était empreinte de plénitude. Filipe Luis dut sortir ses tripes sur le côté gauche de la défense du Brésil pour limiter la dangerosité du Florentin (il joue à la Fiorentina). Et quand celui-ci passait à gauche où évoluait Jackson Martinez face à Maicon, Armero et lui furent plus forts que Willian, Ramirez et ledit Maicon réunis. Il fut plein de grâce quand le match s’engagea dans une séance de coup pour coup, c’est-à-dire une répétition d’attaques de part et d’autre, et qu’il s’illustra par une course poursuite avec Willian ponctuée d’un tacle-récupération stérilisé qu’il a fait suivre d’une contre-attaque splendide non sans avoir dribblé en pleine course et forcé Jefferson à détourner avec peine un tir rageur.

Bien sûr, il faut veiller à assainir le football dans tous les sens : contenir, sinon éradiquer l’antijeu, la corruption des dirigeants compris. Mais quand les législateurs du football ne trouvent pas une formule alternative dans la justice du football à l’équivalent de la peine de mort dans la vie civile, on retire au football son essence sportive. L’infériorité numérique fausse trop souvent la précision de nos instruments de mesure les plus importants en football: le nombre de buts marqués par les deux adversaires et le jeu dans la distribution du ballon, donc sa possession. On ne serait pas privé d’une prestation supérieure, du niveau de celle qui nous fait penser qu’un terrain de football est aussi un opéra.

N’était-ce cette maudite loi de l’expulsion d’un joueur, nous aurions pu évaluer le Brésil et la Colombie post Coupe du Monde avec plus de justesse, et nous aurions eu cette douce douleur de devoir désigner qui de Cuadrado et Neymar était le meilleur en toute équité.

Patrice "Pepé" Dumont est professeur d’Histoire, Relation internationale et Communication. Journaliste et commentateur sportif, il dirige l’émission Sportissibo à Radio Ibo. Reste toujours impliqué dans la vie politique et sociale d’Haïti.

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