ÉCONOMIESOCIÉTÉ

Éduquons autrement, « parce qu’apprendre ça s’apprend »

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Samedi matin, 8:00. Assistée de son bras droit, des quelques amis et membres de la famille qui sont venus lui prêter main forte, Nastassia Colimon s’affaire à finaliser les derniers détails dans la grande salle de conférence du Karibe Convention Center.

Quelques-uns vérifient, une dernière fois, que la liste des participants soit conforme aux badges sur lesquels figurent les noms et institutions respectives qui leur seront remis. Un autre petit groupe installé au fond de la salle s’assure que tous les branchements informatiques fonctionnent comme il faut. À l’extérieur, les premiers invités commencent déjà à arriver: instituteurs d’écoles primaires, éducateurs préscolaires, psychologues… Les tables se remplissent petit à petit et, bien vite l’effervescence commence à se fait sentir. Les conversations vont bon train, les rires fusent de partout et les sourires restent collés aux visages. L’atmosphère est détendue mais aujourd’hui un sujet très important sera abordé: l’apprentissage chez l’enfant atteint de trouble d’attention. Un sujet qui, pendant longtemps, a été sous-estimé dans le système éducatif haïtien. À l’entrée de la salle, un groupe chargé de l’accueil distribue les cartables dans lesquels sont compilés des documents de référence du CAS et de La Ressource. Le CAS est la clinique canadienne d’apprentissage spécialisé qui collabore avec La Ressource, son tout nouvel homologue haïtien.

9:00. Nastassia Colimon, la jeune directrice de la clinique haïtienne prend la parole pour souhaiter aux participants impatients de commencer la bienvenue et leur présenter l’ordre du jour. Madame Marie France Maisonneuve, la conférencière invitée, présidente directrice générale de la CAS en Outaouais, au Canada est déjà prête. Sur le petit écran de l’ordinateur on la voit à peine mais d’un clic, Nastassia la projette sur les trois grands écrans de la salle. Soudain, tout le monde la voit et l’entend bien. Elle se présente quelques minutes et entre d’emblée dans le vif du sujet.

Les troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité sont à l’honneur. Pour plusieurs des instituteurs présents dans la salle, ces termes sont tout nouveaux. Madame Maisonneuve commence donc par expliquer ce que sont ces troubles avant de discuter de la manière dont ils doivent les aborder. Causés par un dysfonctionnement au niveau du lobe frontal, ces troubles sont avant tout neurologiques. Chez les individus qui en sont atteints, les synapses responsables de la transmission d’informations sont dormantes. Leur inactivité crée des déficits dans l’accomplissement de certaines fonctions exécutives: mémoire de travail, organisation, inhibition de l’impulsivité, régulation des émotions…. Quand ils s’accompagnent d’hyperactivité, les troubles du déficit de l’attention (TDAH) sont plus aisément décelables en raison des comportements très énergiques généralement exhibés par ceux qui en souffrent. Pour cause, les TDAH ont été depisté depuis 1845 et ont été reconnu un peu plus tard comme  des troubles neurologiques dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM). À l’inverse, ce n’est qu’en 1994 que les troubles du déficit de l’attention sans hyperactivité (TDA) ont été officiellement classifiés comme tels dans le DSM.

Cette conférence n’avait nullement la prétention de transformer les instructeurs en thérapeutes; elle visait plutôt à les outiller pour qu’ils soient plus aptes à déceler ou sinon reconnaitre les milliers de signes qu’un enfant qui souffre de ces troubles peut exhiber. Ainsi, des techniques de dépistage ont été expliquées, des outils qui peuvent aider dans la gestion ces troubles ont été présentés et des pistes pour qu’instituteurs et spécialistes de l’apprentissage puissent travailler en consortium dans le but alléger le poids de ces troubles sur les enfants touchés ont été proposées. À 3:00 de l’après-midi, après une session intense, madame Colimon et madame Maisonneuve avaient gagné leur pari avec cette conférence. 120 instituteurs et psychologues exténués mais ravis quittaient la salle de conférence, sourire aux lèvres, avec à leur actif plusieurs outils pour leur permettre d’aborder les TDA et TDAH avec plus de méthode.

Pendant très longtemps, les écoles haïtiennes n’étaient pas équipées pour faire face à ce genre de cas… Les individus atteints de ces troubles étaient étiquetés cancres et mis au ban très rapidement. Les plus chanceux étaient fortement encouragés à envisager la consultation psychologique. Mais, depuis maintenant un mois, La Ressource offre ses services pour encadrer les individus qui souffrent de troubles de l’apprentissage et de l’organisation. La directrice qui s’est donnée pour mission de sensibiliser la population haïtienne sur l’existence et l’impact de ces troubles dans le processus d’apprentissage de ceux qui en sont atteints compte organiser d’autres conférences du même genre pour mieux informer instituteurs et parents.

La mission de La Ressource ne s’arrêtera donc pas au succès qu’était la conférence du samedi 20 septembre. Cette institution s’est bel et bien installée en Haïti et compte offrir ses services plus grand nombre d’écoles, d’élèves et de parents. Samedi, 27 septembre 2014, AyiboPost vous invite à rejoindre Nastassia Colimon, lors de la journée porte-ouverte de La Ressource, au 32 rue Rebecca, Pétion-Ville pour discuter plus amplement des services offerts par la clinique.

Plus de 8% de la population mondiale souffre d’une forme de trouble d’apprentissage. Ce qui veut dire que sur une classe de 20 élèves, il y a de fortes chances que deux d’entre eux en soient atteints. C’est donc très probable que l’élève que l’on qualifie très (trop!) légèrement de cancre soit atteint d’un TDA ou d’un TDAH. Nous ne devons pas laisser Isaac Newton, Henry Ford, Walt Disney seuls à l’arrière de la salle. Nous devons leur tendre la main, être patient et faire appel aux techniques appropriées pour qu’ils s’épanouissent. En passant, les trois figures historiques qui sont citées deux lignes plus haut ont tous souffert d’un trouble de l’attention!

 

 

La rédaction de Ayibopost

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