CULTURESOCIÉTÉ

Comment cuire une branche?

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Aux dernières nouvelles, Matthieu est parti et s’est éteint. Ce qui est une bonne nouvelle. Cet ouragan a causé des dégâts, d’énormes dégâts dans certaines parties du pays : des maisons détruites, des églises, des écoles…Des quartiers, des villes entières, envahis par l’eau et saccagés par les vents…

Matthieu a frappé et n’a pas ménagé ses coups.

Mais malheureusement, Matthieu n’est pas le seul ouragan à avoir attaqué notre charmante île. Il y’a eu aussi l’ouragan Delgado.

Sortie de nulle part, cette charmante présentatrice de la Weather Channel des USA, a eu l’idée de faire un reportage sur la situation en Haïti avant que les intempéries commencent. Jusque-là, ça allait bien. La pluie, le vent, etc. etc…Mais tout a dérapé, quand Miss Delgado a décidé de parler de la déforestation en Haïti. Et c’est alors que la communauté haïtienne de la diaspora a appris de la bouche de cette journaliste diplômée de l’Université du Mississipi, ex-employée de la CNN, (ayant l’expérience du tremblement de terre japonais de 2012, du cyclone Sandy de 2012) que les enfants haïtiens coupaient des arbres pour les…manger.

Une telle déclaration a naturellement soulevé un tollé incroyable. Ce serait mentir si je disais n’avoir pas lu une bonne cinquantaine de post  sur Miss Delgado, pour la plupart des messages grivois. La colère haïtienne a flambé. J’ai même vu une pétition adressée à la station qui emploie la journaliste, demandant son licenciement. Comment a-t-elle pu oser dire une chose pareille ? Quelques temps après, Miss Delgado lors de son show télévisé s’excuse de « l’erreur » commise en direct. Cependant, en ces temps où la nouvelle la plus insignifiante se propage comme du feu en période de sécheresse, son erreur  a eu longtemps moins d’impact que ses excuses.

N’avez-vous donc pas entendu ? Les petits haïtiens dégustent du bois de chêne au petit déjeuner…

Bien sûr, les excuses de Miss Delgado n’ont servi à rien. Le nombre d’insultes sur les réseaux sociaux n’a fait que croitre ; Même le nombre de « followers » de la wheather girl a augmenté, tellement les gens avaient envie de lui parler et de lui dire quelques vérités sur les…bois haïtiens.

Loin de moi l’idée de faire ces jeux de mots que quelques mauvais plaisantins, depuis l’affaire Delgado, maitrisent merveilleusement bien. Mais je me suis posé quelques questions : pourquoi Miss Delgado, une journaliste expérimentée, qui semble maitriser son travail, a-t-elle pu faire une si grossière erreur sur un pays qui n’est pas si loin que ça ? N’y avait-t-il pas moyen de vérifier l’information avant de la publier ? Premièrement d’où sortait une telle idée ? Si c’était un pays plus développé, une telle « erreur » se serait-elle produite ?

Malheureusement, Miss Delgado ne fait que confirmer la mauvaise image d’Haïti  à l’étranger. Notre pays est vu des autres comme un perpétuel nid de misère où les intempéries, la violence, les détritus sont les sujets de reportage les plus intéressants. De la rumeur la plus insolite à l’histoire la plus invraisemblable, Haïti n’est pas épargnée quand il s’agit de répandre des mauvaises nouvelles. Et tristement cette histoire d’haïtiens consommateurs d’arbres n’est ni la première, ni la dernière à calomnier notre peuple. Il ne nous reste qu’à attendre le prochain coup de couteau, vite corrigé après un communiqué de presse, vite oublié à la venue des autres.

Matthieu s’en va mais laissera des séquelles. Delgado aussi. Il nous reste qu’à espérer que la prochaine fois qu’on accueillera des touristes, on ne nous demandera pas si on mange notre écorce de manguier frit ou à la vapeur.

Germain Presley

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