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Ce n’est pas la République Dominicaine que je connais !

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Permettez que j’aille à l’encontre de vos certitudes, mais cette république décriée, calomniée, vitupérée de tous n’est pas celle que je connais.

Pour y avoir vécu durant près d’un an, pour y avoir passé nombre de mes étés, et ceci dans les quartiers populaires et pauvres, les « batey » où demeurent en majeure partie les haïtiens et quelques dominicains, mon opinion diffère de la vôtre.

Je me revois aujourd’hui encore arpentant les rues, avide d’aventures et de savoirs. Je me rappelle tout aussi bien de cette vendeuse de rue si déconcertée lorsqu’elle sut que j’étais une haïtienne et, de tant d’autres après elle. Je me souviens également de tous ceux et celles qui m’ont prêté main forte lorsqu’il m’arrivait de me perdre dans les rues ; de ces chauffeurs de taxi avec qui j’ai tissé des liens, de mes professeurs si chaleureux et curieux de découvrir les coutumes haïtiennes ; de ce jeune charcutier timide qui m’attendait presque chaque jour au même coin de rue, à l’arrêt du bus, toujours à la même heure afin de me parler. Mais ce dont je me souviens surtout c’est d’avoir dans certaines situations été beaucoup plus enclin à solliciter leurs aides que celui de mes compatriotes. Si méfiance j’éprouvais à l’égard de ces derniers, elle était justifiée par les comportements grossiers, hostiles et triviaux de mes pairs.

Je n’excuse en aucun cas les meurtres, les massacres horripilants et répétitifs qui se sont perpétués, les actions aberrantes qu’ont posées les ressortissants dominicains. Je réprouve la cruauté chez certains d’entre eux et l’absence de fierté chez certains des miens. Néanmoins, je pardonne l’ignorance, embrasse leur volonté de vivre dans un monde meilleur. L’haïtien d’antan, celui auquel je m’associe, était fier, noble, beau et digne. Hélas! Certaines choses ne sont pas immuables…

Je condamne les gouvernements qui ont engendré ces conjonctures,  ainsi que ceux-là se voulant de la classe moyenne ou de la bourgeoise qui sont restés impassibles face aux infortunés, tous ceux qui, au quotidien ont craché sur l’opportunité de changer une vie. Et si cela peut vous permettre de voir mon article d’un bon œil, je me condamne également.

Pourquoi devrions-nous nous indigner du sang versé au-delà des frontières, lorsque ceci est chose courante dans notre pays ?

Pourquoi devrions-nous être offusqués face au mépris dont les dominicains font preuve à notre égard lorsque de grandes barrières ethniques et sociales sont encore érigées ?

Pourquoi condamnons-nous ceux qui sont partis avec l’espoir d’un lendemain meilleur lorsque nous les haïtiens, leur faisons clairement comprendre qu’ici au terroir ils ne valent rien ?

« Gad plat main w, tout pa men m’ longue. » La marchande, le cireur, le juge, le médecin, le tailleur, la lessivière, le boulanger, ils font tous un métier valable et respectable. Nous avons autant besoin d’eux qu’ils ont besoin de nous.

Je ne peux m’empêcher de penser que si nous avions tous fait des choix différents, dans l’intérêt de l’autre, du pays mais aussi du nôtre, beaucoup d’entre eux seraient encore vivants, vivants et vivant au pays.

Ce n’est pas la République Dominicaine que je connais ! Il faudrait éviter de ne la présenter que sur ses aspects les plus noirs. Je suis par contre confrontée à la réalité ou en Haïti, « chak koukouy klere pou je yo »  et, cela je le combats à travers mes mots et mes actes.

J’en conclus que d’autres facteurs devraient définitivement être invoqués avant d’accabler notre voisin. Si le respect nous est dû, il se gagne aussi, cependant qu’avons-nous fait pour la mériter ou que n’avons-nous pas su faire?

Tara Estimé

NB: Ce texte est une réponse à l’Ayibopost « Journal d’un étudiant immigré »

La rédaction de Ayibopost

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