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12 janvier 2010, avons-nous muri depuis?

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Depuis le mois d’août, nous ne faisons que ressasser un seul sujet et son ample champ lexical: politique, élections, candidats, président, député, sénateur, maire… Dans les radios, les télévisions, les tap-tap, tout le monde parle d’élections, d’opposition, etc. À croire qu’un bébé, à ses premiers balbutiements durant cette période, ne saura dire ni papa ni maman, mais plutôt président, élections, manifestations… Les jours ont passé. La Noël n’a pas été épargné et janvier est là, embourbé aussi d’entrée de jeu dans ce torrent lexical qui se marie à notre réalité. C’est à croire que nous ne pensons qu’à cela.

Bref, entrons dans le vif du sujet!

Le 12 janvier est à nos portes, l’aviez-vous seulement remarqué? Avez-vous déjà oublié toutes les personnes qui ont perdu leur vie lors de cette catastrophe? Et toutes ces personnes qui depuis vivent avec un handicap ou un traumatisme? Vous êtes-vous seulement rendu compte que, cette année encore, le 12 janvier tombait un mardi?

Six ans après, nous sommes beaucoup à être encore traumatisés. Il m’arrive parfois de demander à mes amis de me raconter leur « 12 janvier ». Nous sommes tous d’accord que nous avons eu chacun une expérience différente. Même pour ceux qui l’auraient vécu au même endroit. Thom, un ami, m’a raconté qu’il a dû laisser le pays après le 12 janvier pour continuer ses études aux États-Unis. Une fois là-bas, on lui a demandé de narrer une histoire qui l’a marqué. Il raconta son “12 janvier” avec émotion et conclut ainsi: « they counted over 300.000 dead bodies but they were wrong, all of us died that day”.

Six ans après, je m’en souviens comme si c’était hier. J’aimerais, tout de même, vous poser quelques questions. Vous êtes-vous rendu compte que beaucoup de rêves ont péri depuis? Que notre jeunesse s’est réfugiée dans la drogue et l’alcool? Que de nombreuses personnes, n’en pouvant plus, sombrent dans la dépression?

Qu’est-ce qui nous passe par la tête ? À quoi pensons-nous donc dans le confort de notre quotidien?

Dites-moi donc, très cher président! Au moins une fois au cours de votre mandat, avez-vous jamais pensé à ce que devenait la population haïtienne depuis cette date noire? Et vous messieurs, les futurs parlementaires, avez-vous songé à voter des lois pouvant, au moins, faire renaître certains de nos rêves perdus? Et vous chers professeurs qui ne cessez de bousculer vos écoliers, pensez-vous que c’est facile pour eux de se réadapter après une telle catastrophe? Enfin, chère société, penses-tu que c’est facile de vivre avec un handicap ou un traumatisme alors que tu ne fais que juger, dénigrer et opiner?

Croyez-vous vraiment que les seuls problèmes de ce pays sont les luttes pour le pouvoir, les élections, la politique dure et inefficiente, etc.? Que faites-vous, entre-temps, de l’éducation, la santé, l’acculturation, etc.?

Le « moi » a pris une place trop importante dans nos vies et les événements tragiques qui édifient notre histoire n’ont point de réel impact sur notre façon de penser. Nous avons connu des cyclones, des sécheresses, des séismes et des massacres. Nous avons bravé des dictatures et des occupations étrangères. Nous avons plié l’échine face à tant d’affronts venant de peuples étrangers. Nous avons compté nos morts et nos outragés comme on compterait les grains de sable ou les astres de l’univers. Et pourtant, nous n’avons en rien changé.

Nous nous sommes condamnés à ne penser qu’à nous-mêmes, qu’à des intérêts mesquins et sectaires. Nous luttons sans cesse l’un contre l’autre en nous partageant les armes de l’égoïsme et de l’hypocrisie. Nous n’avons point d’égard envers ceux qui tombent, car nous ne changeons point. Le 12 janvier 2010, dans une rage inexplicable, notre bout de terre nous a exhortés à nous regarder en face et à nous donner la main. On l’a fait. Pendant quelques jours, durant quelques mois… Et puis, faisant fi de nos morts et de toute valeur nationale, nous nous sommes replongés dans la même boue d’immoralité et d’inconscience.

Pourquoi commémorons-nous des dates si elles ne nous élèvent pas ni ne nous apprennent à faire mieux ?

Fabigaelle

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